Le héros indien, Snehamoy (Rahul Bose), instituteur dans un
petit village de campagne, tombe amoureux de Miyage (Chigusa Takaku), une
japonaise qu’il n’a jamais rencontrée, via une annonce dans un journal. Leurs
échanges épistolaires vont les faire tomber amoureux l’un de l’autre, jusqu’au
mariage à distance, sans jamais se rencontrer (ils sont trop désargentés pour pouvoir
se payer le voyage et ils ont toujours des proches malades faisant avorter les
quelques tentatives). Ce pourrait être une comédie romantique américaine, dont
la correspondance est une figure récurrente (de The shop around the corner à You’ve
got mail en passant par Secret
admirer). Mais ici point de suspense quant à l’identité de l’auteur des
lettres, ni de rencontre entre les amoureux. La cinéaste Aparna Sen ne fait pas
grand mystère que l’idée d’une rencontre ne l’intéresse absolument
pas. Le film début d’ailleurs par une des quelques scènes où le héros tente d’appeler
sa femme par téléphone, mais encore une fois, la communication ne passe
littéralement pas (ils sont coupés à chaque fois), seul l’écrit devra être le vecteur
de leur passion.
Cette scène d’ouverture correspond temporellement à la
(presque) fin du récit, le reste étant un long flashback à l’intérieur duquel les temporalités se
mélangent. Ce duo amoureux à distance se complexifie par la présence d’une
veuve et de son fils venant habiter chez le héros et sa mère qui voit en lui un
mari potentiel. The Japanese wife
fascine par sa structure sophistiquée, aussi bien au niveau temporel que par
les ramifications possibles qui ne cessent de surgir (sa relation avec la
veuve, puis avec le fils de celle-ci) et dans le même temps, c’est un film
indolent qui mêle le mélodrame le plus tragique (ça finit mal), l’humour (voir la
franchise avec laquelle sont traitées les implications sous-jacentes de l’histoire :
Snemahoy se masturbe frénétiquement pour palier à l’absence de sexualité), l’absurde
(Snehamoy va rendre visite à un médecin après qu’il ait appris que sa femme ait
un cancer pour avoir un diagnostic.. que le médecin est bien incapable de lui
donner puisque la patiente habite à des centaines de kilomètres de là !), voir prendre les chemins de
traverse le long d’une longue séquence centrale en suspension où Snehamoy
participe à un concours de cerfs-volants durant lequel les compétiteurs rivalisent de
technicité et de brio.
Les longues lectures des lettres en voix off se fondent sur
des paysages parfois élégiaques comme cette rivière au bord de laquelle vit Snehamoy
donnant l’impression que son équilibre se situe dans cette balance entre ces
mots qui nourrissent son être intérieur et cette sensation puissance et quasi cosmogonique d’être
dans le monde.
PS: merci à Rüdiger Tomczak - que je ne connais pas - pour cette merveille découverte grâce à son blog http://shomingekiblog.blogspot.fr/