Faisant se croiser une trentaine de personnages dans la
ville de Beaune durant quelques jours, Lelouch dresse un portrait amusé de
l’être humain et ses passions. Le côté ligne clair du récit, son unité de lieu
(Beaune) et de temps (la durée d’un festival de musique), n’est pas sans
évoquer « Les bijoux de la Castafiore » de Hergé.
Pourtant, Claude Lelouch a dépassé les 77 ans, l’âge maximal
des lecteurs du petit reporter selon la formule consacrée, et derrière la
fantaisie et les couleurs, se cache une dimension testamentaire. De nombreuses
scènes se déroulent à hôpital, le cancer est omniprésent, la mort rôde. Mais
Claude Lelouch, en homme de spectacle, préfère continuer de s’amuser de ce
manège enchanté que peut être la vie, combien même devra-t-il s’arrêter après
quelques tours (mince, je sors des métaphores à la Lelouch).
Aussi organise-t-il un grand feu d’artifice où la seule
règle est qu’il n’y en ait aucune. Comédie, drame, amour, comédie musicale,
captation de concerts, Lelouch ne choisit aucun genre et prend tout. N’hésitant
pas à être graveleux, ne craignant pas le mauvais goût, n’ayant aucune peur de
passer pour un homme du passé n'entendant rien aux mutations de la société, ne cherchant
surtout pas à dissimuler une vision profondément réactionnaire voire
misanthrope du monde, Lelouch réalise un film réussissant l’exploit d’être dans
le même temps funèbre et potache, comme s’il avait choisi de griffonner ses
dernières volontés sur les cartes de blagues de cul que Jean-Marie Bigard se
délecte à lire à ses patients pour leur redonner le sourire. Film de vieux
fou, Chacun sa vie nous l'a pourtant redonné aussi.