Il y a la mention que le film est
tiré de faits réels. Quels étaient-ils ?
Ce n’est pas
tiré d’un seul fait réel. J’ai travaillé sur plusieurs événements ou faits
divers qui se sont déroulés en Corée. Par exemple, le film commence en
2005 ; 2005 est une année où la mode des salles de jeux battait son plein
non seulement à Séoul mais dans tous le pays. Ces salles privées étaient souvent
gérées par des mafieux, et les machines étaient trafiquées, donc les jeux
l’étaient aussi. Il y avait tout un
business parallèle très lucratif et totalement illégal. Les descentes de police
dans ce genre de lieux étaient fréquentes. Je me suis servi de cette histoire
comme d’un élément de contexte. Concernant les meurtres, le film ne fait pas
référence à un tueur en particulier. Des assassinats irrésolus, il y en a
régulièrement, et pas seulement en Corée. Les serial-killers sévissent dans le
monde entier.
Est ce que l’idée théorique de la
confrontation entre un flic, un gangster et un serial killer était l’idée de départ sur laquelle vous avez ensuite
greffé toutes ces histoires ?
Tout à fait.
Au début j’avais l’idée de construire une histoire autour de deux antagonistes
qui vont s’allier pour en traquer un troisième. Un chef de gang qui travaille de concert avec
un inspecteur, ça c’était l’idée de départ. Comme l’ambivalence de ces deux personnages
et leur rapport à la loi étaient au coeur du récit, la figure du serial-killer comme
antagoniste commun s’est vite imposée. Il fallait en quelque sorte les
confronter au mal absolu pour que leurs frontières déjà mouvantes entre le bien
et le mal soient encore remises en question.
J’ai l’impression que le sujet du
film c’est le corps humain et sa capacité de résistance aux agressions. Tout le
monde se tape dessus tout le temps, se poignardent, s’agressent. Même une scène
aussi calme sur le papier que celle où le flic va voir sa copine légiste est
montrée comme un combat.
C’est pour
ça que j’ai enlevé les élements psychologiques au fur et à mesure du tournage.
Ce qui m’intéressait, c’était la rencontre entre ces individus que tout oppose,
et la rencontre se fait physiquement, au combat, comme dans la grande scène de
baston dans le hangar où le gangster et le flic s’associent pour de bons en
affrontant leurs adversaires.
Au cinéma, les serials killers sont
très organisés, intelligents, méthodiques. Ils incarnent un Mal absolu aux
contours définis. Le vôtre a une façon
inattendue de se comporter : il est souvent désorganisé et change de mode opératoire. Avez-vous voulu prendre
le contre-pied de l’imagerie du serial-killer ?
Effectivement,
c’est le personnage le plus difficile à écrire, on n’arrive pas l’appréhender
et à saisir son essence. J’ai lu beaucoup de livre en amont sur les serial
killers – notamment américains. C’est aux Etat-Unis que la littérature de profiler est la plus abondante. Leur point commun le plus évident
est que tous ces tueurs en série n’ont pas de motif pour faire ce qu’ils
font. Cet absence de mobile est ce qui
rend leur arrestation difficile. Ils sont imprévisibles. C‘est que j’ai voulu
transmettre à l’écran . Je me demandais « pouquoi il fait ça » ?
J’avais cherché à lui donner un background plus complexe, mais j’ai supprimé
beaucoup de choses au tournage, ça serait devenu trop lourd de trop exposer la
vie des trois personnages principaux. Mais à la fin, je révèle tout de même
quelques éléments sur qui il est.
Comment avez vous choisi
l’acteur KIM Seong Kyu ?
On peut le
voir dans une série Kingdom, il a des yeux inoubliables. il fallait un acteur
qui, malgré les horreurs qu’il commet, puisse être instantanément inoubliable.
Il y a deux références au christianisme
(un plan sur un hôpital chrétien, une autre fois dans les dialogues). Est-ce que
le film est une relecture (blasphématoire ?) de la Trinité (le père le
fils, le saint-esprit) ?
A l’époque, quand j’ai commencé à l’écrire, il
y avait beaucoup plus de références à la religion, j’en ai beaucoup enlevé au
tournage, mais visiblement vous avez remarqué les quelques unes qui restent.
J’ai choisi le christianisme uniquement parce que c’est une des religions les
plus répandues dans le monde.
Dans la
religion il y a toujours ce message d’amour pour son prochain qui est véhiculé,
ce qui n’empêche pas certains prêtres de commettre des exactions
insupportables. Ce n’est donc pas pour
lancer la pierre à cette religion ou aux religions en général que j’ai mis ces
références, c’est plus pour interroger la relativité du bien et du mal, qui
existe chez tous les individus, même les plus ouvertement vertueux.
Dans la vie,
les gens normaux, comme vous et moi peuvent aussi mal se comporter. J’avais
envie de montrer que les gens qui paraissant les plus gentils peuvent aussi
faire des choses horribles. Le bien, le mal, tout cela est relatif. Le but de
mon film était de mettre en perspective ces différents niveaux de relativité.
Merci à Pascal Launay et à la traductrice Ah-ram Kim