Brian de Palma est un métronome. Passion est découpé en deux parties stylistiquement très différentes.
La première est filmée de façon plutôt conventionnelle (à dessein, pour que les
rimes de la seconde soient plus efficaces en miroir de la première) et montre
les pressions exercées sur la working
girl Noomie Rapace par sa chef Rachel McAdams. La seconde partie est dédiée
à la vengeance de cette dernière. La césure se fait exactement au milieu du
film, à 50 minutes (le film en dure 100), par un gros plan sur les antidépresseurs
que Noomie Rapace se met à prendre. Les cadres seront désormais obliques, des
stries lumineuses barreront régulièrement l’écran, l'image sera d'un bleu aqueux digne des éclairages d'un polar de Hong Kong des années 90. Passion devient
soudainement expressionniste, la mécanique s’emballe, des échafaudages diaboliques
se mettent en branle et s’emboitent les uns dans les autres comme des matriochkas, rêve et réalité se
confondent jusqu’à un finale opératique mi-Argento mi-Almodovar, c’est à dire
100% De Palma.
mercredi 29 juin 2016
lundi 13 juin 2016
Le Casse (The Trust) / CRITIQUE
Le crépuscule des vieux |
A l'ombre des casinos
Le
Casse (The Trust) n'est non seulement pas un énième nanar pour Nicolas Cage, mais c'est tout simplement un superbe film noir. Le critique
américain Ryan Stewart ne s'y est pas trompé en le comparant à Hard Eight, le premier film de Paul
Thomas Anderson, un autre thriller d’auteur situé à Las Vegas. Une mise en parallèle bien vue.
En attendant de savoir si les frères Brewer auront une
carrière à la P.T.A., ils démontrent déjà un solide talent évident dès leur premier
film (on leur doit de nombreux clips, de Justin Bieber à Foster the People, et
même une collaboration avec Bret Easton Ellis sur une longue vidéo pour Dum Dum
Girls).
A quoi reconnaît-on la patte d'un cinéaste ? A ces détails,
à cette façon de raconter une histoire par un simple geste. Exemple : Elijah
Wood joue un flic qui vient visiblement de se faire quitter par sa femme.
Déprimé, il passe son temps à fréquenter des prostituées et à prendre de la
drogue. Pendant la scène de casse, on le voit attendre nerveusement devant une
grille, pendant qu'il fait claquer machinalement son doigt contre un poteau
métallique. Son alliance qu’il porte encore fait du bruit en tapant contre le
métal. Tout en réalisant une scène de tension rythmée par le cliquetis métronomique
de la bague, les frères Brewer montrent que si ce personnage en est là, c'est à
cause de sa solitude qu'il cherche à combler à tout prix, quitte à participer à
un casse organisé par son ami. Rien n'est surligné, ni dit. Le film est entièrement dédié à son récit.
Mais par cet art du détail, les Brewer crée de vrais personnages, touchants,
bizarres, pas très sympathiques mais très humains (Nicolas Cage à la fois cool
et marrant fait parfois très peur lorsqu'il bascule brutalement dans la violence).
Le film se divise en deux parties. La première suit les deux
flics Waters et Stone dans leur vie quotidienne de flics de base à Las Vegas.
Ils arrondissent leurs fins de mois en revendant des preuves collectées lors
des enquêtes. Le rythme est alerte, à la limite de la comédie. Il faut voir ces
deux pieds nickelés prendre leurs enquêtes par-dessus la jambe, laisser les
suspects s'échapper en éclatant de rire devant leur propre inertie... Le film a
beau se passer à Las Vegas, c'est un Las Vegas sordide que l'on voit : au loin,
les néons des casinos, mais la plupart des scènes se déroulent dans des
quartiers sinistres, près d'échangeurs d'autoroute, dans des arrière-cours de
restaurants cachant des petites mains clandestines à la solde de minables
dealers. Il est étonnant d’apprendre que les Frères Brewer avaient, à
l’origine, situé l'intrigue à Boston - car le scénario a été inspiré par des
affaires de corruptions s’étant déroulées là entre les années 60 et le milieu
des années 90. On a vraiment l'impression que Le Casse a été écrit pour Las Vegas tant c'est un élément fondamental de l'ambiance générale.
La deuxième partie est entièrement consacrée au casse du
titre. On est en terrain plus connu, l’histoire devient plus mécanique, mais la mise en scène reste très efficace. Filmé par Sean Porter,
le chef op' de Green Room, Le Casse
plaira aux amateurs de romans noirs et de polars des années 70.
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