C’est un recueil de huit nouvelles. Sylvester Stallone, ou
plutôt ses films, apparaissent dans chacune d’entre elles. Mais Stallone et ses
films ne sont jamais leur sujet premier, excepté peut-être le dernier texte
dans lequel le personnage principal décide de transformer Expendables en franchise littéraire. Parfois, son rôle est même très
secondaire. Dans la nouvelle Struttin’ ,
le film de référence est Staying Alive,
réalisé par Sly, mais ce qui passionne son héros adolescent, c’est John
Travolta et sa démarche chaloupé. Dans la nouvelle There is tomorrow, le héros, après avoir vu Rocky 3, se prend non pour le héros éponyme mais pour Mister T, dont
il reproduit la coupe de cheveux iroquois. Dans Win…
Win !, Rocky 2 va l’obséder, mais pas le film, seulement la bande originale de Bill Conti, et encore
uniquement deux morceaux (Redemption
et Overture).
Le héros de chacune des nouvelles n’est jamais le même, et
pourtant, on a l’impression d’avoir à faire à chaque fois au même individu. Un
homme cultivé, globalement plus passionné par la musique que par le cinéma,
globalement inconséquent, à une période de sa vie où il semble entre deux eaux.
Le héros There ain’t nothing till it’s over se retrouve à passer quelques jours à Rome, là
où il vécut des années avant en dilapidant un héritage familial, flânant sans
but précis dans la ville. Celui de Win… Win !
est un journaliste pour un quotidien local abimant son talent selon ses
proches, sans que cela ne l’affecte particulièrement. La dépression n’est pas
loin, ou a déjà eu lieu, mais son souvenir ne s’est pas évanoui.
Ce héros est monomaniaque. Il va voir 14 fois Rocky 2 pour écouter les deux chansons
qu’il aime de la BO avant de se procurer le disque. Il visionne 250 fois John Rambo dans l’apocalyptique Fuck the world où un homme vit reclus
dans une école, après la Chute, avec pour seul film disponible sur sa clé USB le
dernier épisode en date de la saga. D’ailleurs c’est souvent le hasard qui l’amène
à voir les films de Stallone. Il accompagne des amis au cinéma. C’est le seul
film disponible à l’instant où il veut voir un film. Le héros ne considère même
pas ces films comme des chefs d’oeuvre. Il défend mollement Rocky 4 face à une amoureuse méprisant
ce film –dont elle n’a vu que des extraits, au nom de l’impéralisme américain
qu’il véhiculerait. Il s’étonne qu’une femme de gauche comme elle méprise celui qui est l’incarnation du « Working
Class Heroe ». Dans la nouvelle
inaugurale, il propose à des amis musiciens de projeter derrière eux lors d’un
concert-installation des extraits de La
Taverne de l’enfer , bien qu’il n’ait « rien d’exceptionnel ». Ce
film est même destiné à remplacer leur
premier choix, La cicatrice intérieure
de Philippe Garrel, qu’ils n’ont pu obtenir à un tarif acceptable !
Stallone est là parce que Stallone est dans nos vies depuis
toujours. Il a réussi à échafauder un mythe dont il continue à être le grand
ordonnateur. Peu importe la réussite ou non de ses films (plus non que oui d’ailleurs),
ce qu’on aime chez Stallone, c’est lui. On l’aura vu animal conquérant (Rocky) et animal blessé (Rambo), héros arrogant (Rocky 4) ou héros nostalgique (Expendables). Stallone est un personnage
polymorphe dévoilant toute la complexité humaine du prolétaire devenu riche.
Qui plus est , cette dialectique s’incarne dans un corps mutant. Il offre un parfait
miroir déformant aux héros des nouvelles, lui plus cérébral que physique, plus pusillanime
qu’offensif.
De ces nouvelles pleines d’humour et écrites d’une plume
alerte et imagée sourd pourtant une angoisse face au monde. Life is a disease. Is Stallone the cure ?
Directed by Sylvester Stallone
Editions Lettmotif