A bientôt j'espère

(To Chris M.)

samedi 18 septembre 2010

Le masque de la méduse (Jean Rollin, 2010)

La Méduse par le Caravage
Lorsque L'amant de Jean-Jacques Annaud sorti en salles, Serge Daney se demanda pourquoi le producteur Claude Berri ne donna pas en parallèle quelques sous à Marguerite Duras pour qu'elle filme sa version de son roman. Son film n'aurait pas coûté très cher, et le double programme aurait été une mine d'informations pour les étudiants en cinéma.

En début d'année, on a vu Sam Worthington affronter la gorgone Méduse dans Le Choc des titans, le temps d'une scène mémorable dans un film qui ne l'est pas. Hier soir, même scène à la cinémathèque mais vu par l'oeil de Jean Rollin (dont le premier film, inachevé, L’tininéraire marin, était dialogué par Duras, tout se recoupe) avec Jean-Pierre Bouyxou dans le rôle de Percée, et Simone Rollin (femme de -) dans celui de la Méduse. Le budget du Masque de la Méduse, titre en hommage au fanzine fameux d'Alain Petit, doit à peine représenter celui de l'animation d'une seule des tentacules en CGI dans le film de Louis Leterrier.

Rollin transpose les aventures des trois gorgones (Méduse, Stenoh, Euryale) dans un théâtre de Grand Guignol reconstitué à Paris. Outre les trois sœurs s’affrontant, trois hommes hantent ce théâtre : un nain, un collectionneur des victimes de Méduse transformées en statues, le veilleur du théâtre a.k.a Persée. Quarante ans de carrière et rien ne change chez Rollin ou presque. Dialogues alambiqués, incongruité générale des situations, acteurs pour la plupart statiques et empruntés hormis les deux comédiennes incarnant Sthéno et Euryale, Sabine Lenoel et Marlène Delcambre, et Bertrand Charnacé qui sont très biens. Rien ne change et pourtant le film est très différent de ses autres : c'est son oeuvre le plus raide, la moins poétique, surement la plus difficile d'accès. Et reconnaissons que nous sommes restés de marbre devant celle ci. Reste néamoins quelques beaux comme décor comme l'Aquarium de la Porte Dorée où l'ouverture a été filmée.

Sabine Lenoël dans le rôle de Euryale. La photo vient du site de la comédienne : http://sabine.lenoel.online.fr/
A la première partie « volontairement théâtrale » (selon les mots du réalisateur dans sa présentation), Rollin a ajouté un codicille quasi comique voyant Stheno faire visiter à une jeune femme son caveau au Père Lachaise. Cette partie est plus dans le style du Rollin que l'on connait, avec crypte démoniaque, jeunes filles en fleur somptueusement dénudées (ah mon Dieu, les fesses rebondies de la jeune visiteuse sont à se damner!). Dialogues humoristiques, situations moqueuses, Rollin avait rarement fait preuve d’autant d’auto dérision.

vendredi 17 septembre 2010

Hot Dreams : les deux tours

Difficile de ne pas être ému devant la dernière scène de HOT DREAMS. Oui, j’ai bien dis « ému ».

Porno de la fin de l’âge d’or, tourné en 1983, ce film signé Warren Evans (Shaun Costello) sera son dernier. C’est sous le signe de cette finitude qu’on le revoit aujourd’hui, comme on regarde les dernières scènes des derniers films tournés par les grands réalisateurs, espérant y déceler - sans doute à tort - la prise de conscience de l’artiste mettant un point final à son œuvre. Analyse infondée quand on se place du point de vue de la création (Costello devait réaliser un autre film après, mais il sniffera le budget en cocaïne), mais analyse obligé du spectateur cinéphile cherchant partout des signes évocateur de cette chose aussi indicible que Dieu qu’est l’Art - pour aller vite.

En l’état, Hot Dreams n’est peut-être pas le chef d’œuvre ultime de Costello, mais c’est une production soignée contenant son lot de plaisirs scopiques. On y trouve un des sommets de son cinéma avec la séquence située dans un salon de massage où un porteur de serviettes à la mulette blonde décolorée (une vision de l’horreur) s’occupe de l’androgyne Sharon Mitchell, de la blondinette élancée Joanna Storm et surtout de la généreuse Ana Ventura ici totalement survoltée.

Mais surtout il y a cette fin troublante. En termes de sexe, la scène n’est pas particulièrement géniale, il s’agit d’un plan échangiste à quatre sur un bateau traversant la baie de New York. Mais au moins trois choses retiennent l’attention :1- la musique. Mettre l’atmosphérique Ommadawn de Mike Oldfield sur une scène de sexe crée un contraste saisissant : on perd en désir ce qu’on gagne en sentiment du temps qui passe 2. L’espace. Dans des films où les scènes de sexe sont à 90% tournées dans des lofts, voire une scène de sexe en plein air surprend. Mieux il y a dans l’organisation des plans un soin à rendre les éléments présents : l’eau, la terre (la ville au loin), le vent (on voit vraiment le vent dans les cheveux des acteurs)… quant au feu, c’est Sharon Mitchell qui le possède ! 3. L’Histoire. En arrière plan, on ne voit que ça : les deux tours du Word Trace Center. Est-ce notre regard qui est devenu plus attentif à ces tours ? En tout elles sont au centre de chaque plan. Comme les vestiges d’une époque disparue. Il y vraiment dans cette scène la captation d’une parcelle de temps. Et c’est inestimable.

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On a demandé à Shaun Costello son avis sur ce film, voici ce qu’il nous répondit, ce jour, par mail :
« Hot Dreams n’est pas un de mes films les plus réussis pour deux raisons. D’abord je prenais tellement de cocaine que mon cerveau ne fonctionnait plus correctement. Ensuite, je ne m’occupais plus de la post-production. Sur mes deux derniers films Hot Dreams et Heaven’s touch, j’ai engagé Ron Dorfman pour les filmer et les monter. Sa photographie, sans être spectaculaire, était correcte, mais il n’avait aucun sens du rythme en terme de montage. La scène du dîner dans Hot Dreams en est l’illustration. C’est la seule scène du film que j’ai eu du plaisir à écrire, et je la voyais comme un exemple de théâtre de l’absurde. Ron n’a jamais compris qu’il fallait que les réactions soient rapides pour que la scène fonctionne, donc, au lieu d’être drôle, la scène était juste plate et ennuyeuse. Je n’ai pas non plus choisi les musiques de ces films. Ron a simplement utilisé des morceaux que j’avais déjà mis dans mes films antérieurs, pensant que le résultat ressemblerait à ce que j’avais fait avant ».

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Hot Dreams est disponible en DVD en Import, chez Pink Flamingo Entertainment.
http://www.pinkflamingoentertainment.com/

mercredi 15 septembre 2010

Informers

Sortie aujourd’hui en dvd et blu-ray de INFORMERS d’après Bret Easton Ellis (ouvrage sorti en France sous le titre Zombies). Présenté il y a deux ans à Sundance, le film sort en France directement en vidéo après avoir un reçu un accueil désastreux à peu prêt partout où il a été présenté.
Bret Easton Ellis, dans l’actualité pour la sortie de son nouvel ouvrage Suites impériales, se répand depuis en mal sur l’adaptation filmique reprochant au cinéaste et au producteur de n’avoir rien compris au projet. Ellis est, pour la première fois, l’auteur de l’adaptation de son ouvrage avec le jeune scénariste Nicholas Jarecki. Visiblement Jarecki devait aussi réaliser le film avant d’être débarqué pour être remplacé par Gregor Jordan, australien spécialisé dans les films qui ne sortent pas en salles (Two Hands, Unthinkable - qui sort aussi ce jour en dvd). L’intrigue avec les vampires aurait été coupée à la dernière minute ainsi que plusieurs passages qui tenaient à cœur à l’écrivain.
Voici ce qu’il déclarait il y a quinze jours aux Inrockuptibles :

“Mais je vais tellement mieux que la dernière fois qu’on s’est vus… A l’époque, j’étais encore profondément déprimé, j’étais en thérapie, et le film The Informers, adapté de mon recueil de nouvelles Zombies et dont j’avais écrit le scénario, devait sortir et ne me plaisait pas du tout. Je me souviens exactement du moment où je suis sorti de la dépression : c’est en allant seul à la première de ce film en avril 2009. Ma famille et mes amis étaient là. J’étais au bar avec eux et, brusquement, j’ai lâché prise, je me suis laissé aller, j’ai réalisé que c’était ridicule d’être malheureux à cause d’un film".
Heureusement que le résultat jugé désastreux  a eu des vertus thérapeutiques et lui a permis de devenir philosophe ! 

The INFORMERS est pourtant à nos yeux une réussite. C’est un document passionnant sur ce qu’étaient les années 80. Référence surprenante, le producteur Marco Weber présente comme référence majeure Le Jardin des Finzi-Contini, le film.

Gregor Jordan n’est pas Roger Avary (réalisateur du définitif Lois de l’attraction) mais réussit pas mal de choses, notamment des plans comme ça, digne d'une peinture pop art:



Jordan réussit aussi, involontairement mais après tout cela reste remarquable, un documentaire glaçant sur l'acteur Brad Renfro, dans son dernier rôle avant son suicide. il y incarne un acteur au chômage gagnant sa vie comme portier de nuit dans un hôtel.

Dans sa scène de confession, il dit ceci :
"Je suis acteur.
J'ai fait une pub pour des chewing-gums.
Et aussi une autre pour Clearasil.

C'est vraiment dur comme métier.
On peut pas y arriver ici si on n'est pas prêt à tout".

Quelques mois plus tard, l'ex-enfant star Brad Renfro mettait fin à ses jours (le film lui est dédié).

Comme disait Chris Marker dans Le fond de l'air est rouge , "On ne sait jamais ce qu'on filme". Le Temps fait son travail, et le passé vu du futur devient soudainement toute autre chose. Le scène de fiction s'est transformée en un document du temps présent, celui d'un instantané sur un homme en perdition.




Classe ultime, Jordan a gardé le meilleur pour la fin. Difficile de ne pas être bouleversé par la dernière séquence dans laquelle un des personnages vient voir sa compagne en train de mourir au soleil, d’une maladie encore non identifiée, le Sida. Tous les personnages ayant couché les uns avec les autres, le garçon est vraisemblablement condamné aussi, de même que la plupart des autres personnages du récit. Mais personne ne le sait encore.

Le ciel est bleu mais les nuages pointent leur nez. Le Soleil va bientôt disparaître. Seule une mouche posée sur la peau en cours de nécrose de la jeune femme évoque un avenir tâché.


Une jolie fille en bikini, la plage. Ou comment une image d'Epinal du Bonheur se transforme en vision terrible du purgatoire.

mercredi 8 septembre 2010

Mannequin


Photos de Lydie Bee

mardi 7 septembre 2010

Witchcraft Street

Lu hier soir, avant de m’endormir, p.134-135 :

« Les Tziganes furent persécutés, en France et ailleurs, de façon sauvage, maladroite, imbécile et cyclique. Presque autant que les juifs. A Paris, on les parqua, de siècle en siècle, hors des limites successives de la Ville. Les Etats d’Orléans, en 1560, les condamnèrent au bannissement, sous peine de la hart ou des galères, s’ils osaient reparaitre. Soufferts dans quelques contrées que divisait l’hérésie, chassés en d’autre lieux comme descendant de Cham, inventeur de la magie, ils ne paraissaient nulle part que comme une plaie.
Ce sont les gens assoiffés de merveilleux qui osaient aller à leur rencontre au-delà des barrières et des murailles. De nos jours, il en existe d’ « honorables », d’ « assimilés » - quel affreux mot !- et soucieux de cacher soigneusement leurs origine, sauf à ceux dont ils savent – dont ils ressentent – qu’ils leur apportent une sympathie spontanée ».

Jacques Yonnet, Rue des maléfices.
Phébus Libretto.

Merveilleux livre narrant la vie du narrateur entre 1941 et 1955, poète pilier de barre, explorant un Paris magique, celui de la rive gauche entre Maubert (« la Maube ») , Cluny et Saint Michel. Rencontre de personnages pittoresques, récits fantastiques, le « présent » d’un Paris sous l’occupation se mêle aux histoires d’un Paris moyenâgeux.


La rue des maléfices dans Paris, désormais rue Xavier Privas

Electroma 70

Je n'ai pas encore vu "Le monde sur un fil" de Rainer Werner Fassbinder. Mais ces deux photos pré Daft Punk donnent envie.


Réalité Alternative

Lu ce mois-ci dans POLKA N°10, cette histoire relatée par Alain Genestar, à son invité le photographe Peter Lindbergh. Il cite une parabole de Roger Thérond, patron de Paris Match pendant des années, pour convaincre des investisseurs.

A l'heure des Firewall, comment fait-on pour brûler les pages de l'Internet ?
« Il était une fois au début du XXI ème siècle, un monde où la pate à papier n’avait jamais été inventée. Les gens lisaient sur des écrans, les articles, les livres, et regardaient les photos. C’était bien, mais parfois, les écrans tombaient en panne, les piles s’usaient, les reflets empêchaient de bien lire et. Et puis, deux étudiants californiens, Bill et Paul, ont inventé dans un garage de la Silicon Valley, la pâte à papier. Quelques mois plus tard est arrivé sur le marché un objet extraordinaire. On pouvait le feuilleter, le lire debout dans le métro ou sur une plage, le regarder en plein soleil, le rouler pour le glisser dans sa poche ou dans un sac, l’oublier sur un banc, découper ou arracher une page, le sentir, le toucher…. C’était l’invention du magazine. Et c’était le progrès, puisqu’il venait de naître ».

mercredi 1 septembre 2010