A bientôt j'espère

(To Chris M.)

lundi 28 septembre 2020

Les plus horribles années d’une vie : à propos de CAPONE de Josh Trank

Tom Hardy dans une prestation au-delà de la bonne ou de la mauvaise

Capone, le troisième film, de Josh Trank est encore une fois consacrée aux métamorphoses du corps. Dans Chronicle et Les quatre fantastiques, il s’agissait de corps transformés par des super-pouvoirs. Mais on n’oublie pas la vision de La Chose découvrant l’abomination qu’était devenu son être dans une séquence cronenbergienne au possible. Capone parait éloigné de cet univers, puisqu’il s’agit d’un récit très librement inspiré par la dernière année de vie de Al Capone, le célèbre gangster surnommé Scarface. Mais il s’agit encore une fois d’un corps en mutation. Mais cette fois-ci pas de super-pouvoirs, ce serait même l’inverse. Victime de troubles de la mémoire et de la siphyllis, son corps n'est qu’un amas de chair difforme que le cerveau n’arrive plus à contrôler. Al Capone, enfin « Fonzo » puisqu’il est désormais interdit de l’appeler par son nom - miroir des temps glorieux -  se chie dessus indifféremment en poussant des borborygmes indéchiffrables. Cloitré dans son Xanadu, une demeure rococo peu à peu dépossédée de ses biens, il hante son habitat comme un zombie mimant machinalement les gestes du passé dans une pantomime grotesque. Josh Trank essaie de lisser le présent et les souvenirs, et filme au même niveau la réalité et les rencontres fictives entre Fonzo et certaines connaissances (un vieil ami joué par Matt Damon ; un fils illégitime né d’une précédente union). Trank ne montre jamais ce qui est vrai et faux, et va même jusqu’à créer des scènes qui ne peuvent pas être vues du point de vue du héros éponyme (par exemple Matt Dillon et une conquête dans un motel). Des scènes à priori réelles (comme son médecin dévoilant des informations confidentielles à la police en planque) ont l’air véridiques mais n’émaneraient du cerveau paranoïaque de Fonzo ? Il y a bien pourtant quelques plans « objectifs ». Quand Fonzo discute avec Matt Dillon, des plans de Linda Cardellini, qui joue sa femme, montre bien que Fonzo est seul à ce moment. Mais ces plans sont rares. Josh Trank revendique une liberté totale et ne s’embarrasse d’aucune cohérence. Passé, présent voire futur fusionnent dans la linéarité de narration. Ne plus se souvenir et bientôt mourir, c’est peut-être ne plus savoir distinguer les frontières pourtant fictives du temps. Beau film.

 

dimanche 27 septembre 2020

ELIXIR (poème)

 
J’ai consulté les médecins,
Les marabouts et oracles.
Qu’on me donne enfin ce vaccin,
Je l’attends tel un miracle.
 
Qu’il me fasse oublier ses tresses,
Je veux un élixir d’oubli,
Qui mette fin à ma détresse.
N’importe qui, je l’en supplie.
 
Ses cheveux m’impressionnent
Rêves emmêlés de l’été,
Dans l’humidité de l’automne,
Je ne les ai pas oubliés.
 
Et sa peau marmoréenne
Douce et froide comme l’albâtre,
Celui des statues romaines,
Anime mon cœur folâtre.
 
Plus belle parmi les plus belles,
Ma bouche doit pourtant se taire,
Face à l’imprenable citadelle,
Vin de l’oubli, j’en bois un verre.
 
Je garde au fond de mon âme,
Comme dans un coffre enseveli
Le riche trésor de ses charmes,
Et vogue donc, mélancolie.
 

 

 

samedi 26 septembre 2020

Pensée du jour

 

Un seul être vous manque

et tout est, des peupliers.



lundi 21 septembre 2020

BOAXEL (poème)

 
Je monte seul mon armoire IKEA
La notice spécifie qu’il faut être deux
Mais dans mon studio, nul autre que moi.
Alors, contraint, j’enfreins les règles du jeu.
 
Pleurant des larmes mornes sur mon lit défait
Les pièces éparpillées façon puzzle
A la tombée de la nuit, rien n’est fait
Mes habits, dans un carton, se désolent.
 
Sur le sol traine une clé Allen.
Que fais-tu, petit outil, devant moi ?
Tu me laisses désespéré, en émoi.
Où êtes-vous bouche, lèvres et haleine ?
 
L’armoire démembrée me scrute, impassible.
Elle n’a pas de plan pour me remonter.
Les planches indifférentes et paisibles,
Gisent devant moi d’un sommeil replet.