A bientôt j'espère

(To Chris M.)

lundi 4 novembre 2013

"Protect me from what I want" - Backtrack, Dennis Hopper (1989)

 

 
Image extraite du film BACKTRACK
Protect me from what I want, Jenny Holzer (1983-1985)
Dennis Hopper réalise en 1989 BACKTRACK, un thriller dans lequel il joue un tueur à gage à la solde de la Mafia chargé d'éliminer un témoin génant interprété par Jodie Foster.
Foster incarne une artiste conceptuelle. Féru d'art contemporain, Hopper avait proposé à l'artiste new-yorkaise Jenny Holzer de réaliser les panneaux lumineux qu'on voit à l'écran censé avoir été conçus par le personnage. Dans les années 80, Holzer avait réalisé une série de photo sur lesquelles le mantra "Protect me from what I want", écrit avec des LED, se superposait sur différentes battisses (building, casino). Hopper va se réapproprier cet aphorisme qui apparait régulièrement dans tout le film.







Pour le DVD sorti chez Metropolitan Films, une interview de la monteuse Wende Mente, réalisée en novembre 2013.




Entretien avec Wende Mate (monteuse)

Wende Mate est la monteuse de Backtrack. Sur le générique de la version remontée, elle est créditée uniquement en tant que monteuse additionnelle.  Mais sur les crédits à faire apparaître sur les affiches ou les jaquettes, c’est son nom qui est mentionné. Sur la Director’s cut c’est bien elle qui est créditée comme la monteuse en chef.


Backtrack est un film curieux. Les personnages ont un comportement souvent illogique (surtout celui de Jodie Foster), et ce qui semble être important est avant tout ce qui est à l’image : les décors naturels, les œuvres d’art…
Pour répondre à votre remarque, c’est vrai que Backtrack est un film très étrange. Les œuvres d’art et les lieux de tournage sont des personnages à part entière. Je suis quasi certaine que Dennis les avaient volontairement envisagés ainsi. D’ailleurs, ce film était plus personnel pour lui que la plupart des films le sont pour les réalisateurs. Pas seulement parce qu’il joue dedans, mais aussi parce que la plupart des lieux où il a tourné lui appartenaient. L’appartement où vit Anne était attenant à celui de Dennis, à Venice (lorsque Charlie Sheen regarde la fille en sous-vêtements dans l’appartement d’en face, c’est chez Dennis Hopper ! [scène uniquement dans la version longue]) . La cabane à la fin lui appartenait, et aussi, même si je n’en suis plus certaine, je crois qu’il possédait, ou avait possédé, la le théâtre à Taos où va Jodie Foster.

Comment se passait le travail avec Dennis Hopper ?
J’ai adoré travaillé avec lui. C’était un homme complexe, mais j’ai pris beaucoup de plaisir à monter ce film. Il était gentil, généreux et très drôle. Il arrivait presque tous les jours dans la salle de montage portant chemise, veste et cravate. Il ne restait pas beaucoup assis dans la salle, il préférait me donner des notes sur ce que je devais faire et venait ensuite assister au résultat. Je crois qu’il était assez content du film. Il était au courant que les producteurs eux ne l’étaient pas, à cause des projections-tests auprès du public qui n’avaient pas très bien fonctionné. Mais Dennis Hopper n’attachait pas beaucoup d’importance à ce qui se disait lors de ces  séances tests.

Tournait-il beaucoup de pellicules ? Les scènes sous différents angles ?
Dennis Hopper ne tournait pas plus de métrage que la moyenne. Il avait une idée précise de ce qu’il voulait visuellement, et il ne tournait pas les scènes sous tous les angles possibles. A cet égard, tout semblait assez simple, mais il faudrait demander au directeur de la photo de ce qu’il en pense !

Quelles étaient les difficultés sur ce film ?
La chose la plus difficile dans le travail sur ce film était que Dennis Hopper était amoureux de certaines performances d’acteur ou de certains plans et qu’il refusait de les couper. Je dis que c’était « difficile » parce qu’en tant que monteur, une grande partie du travail est de faire avancer l’action en créant du rythme, donc en coupant. C’était compliqué à faire parce que Dennis voyait de la beauté partout, jusque dans la banalité du quotidien : les cabines téléphoniques, la raffinerie de San Pedro la nuit, le désert aride du Nouveau Mexique, et il aimait s’attarder sur ces lieux. C’est pourquoi la séquence d’ouverture près de la raffinerie est si longue, et aussi pourquoi le personnage d’Anne Benton fait ce tour d’hélicoptère sans raison dans la région d’Anazi. Il aimait que le film prenne son temps et voyage dans des lieux qu’il trouvait beau.

On sent bien le plaisir qu’il a à filmer les lieux, mais on sent le même plaisir à filmer les acteurs…
En ce qui concerne les personnages, Dennis était si concentré sur les nuances d’expression de leurs visages  qu’il refusait de couper tant que ce visage avait encore une expression à offrir. Il disait rarement « couper » tant que l’acteur exprimait encore quelque chose dans son regard combien même il avait prononcé sa dernière réplique depuis cinq ou dix secondes. Si je coupais après la dernière ligne de dialogue, il me demandait de rajouter ce qui avait été tourné après cette réplique afin de conserver toutes les expressions. Selon lui, couper ces moments allaient à l’encontre de ce qu’était le travail de l’acteur. Dennis respectait tous les comédiens qui étaient dans son film. Il n’était jamais lassé de les regarder jouer, en particulier Vincent Price et Dean Stockwell.  Joe Pesci ne le fatiguait jamais, pas plus que John Turturro et Tony Sirico. Plus particulièrement, je me souviens de lui disant que Catherine Keener, qui n’a qu’une scène, était d’une actrices les plus naturelles et les plus talentueuses qu’il avait jamais rencontré.

Quand le film a été remonté par Vestron, vous êtes-vous occupée du remontage ?
Non, je n’ai plus été impliquée sur le film après que les producteurs aient décidé de le raccourcir. D’ailleurs, jusqu’à ce que vous demandiez cette interview, je n’avais jamais vu la version remontée. 





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