A bientôt j'espère

(To Chris M.)

mardi 11 février 2020

SCANDALE de Jay Roach, célérité de la satire





On pourrait dire que Scandale se situe dans la lignée de The big short d’Adam McKay (dont il partage le même scénariste Charles Randolph) ou de ces grands films sérieux dénonçant des scandales historiques (Spotlight, Pentagon Papers parmi tant d’autres). Ce serait oublié que Scandale est réalisé par Jay Roach, l’homme à qui l’ont doit la trilogie comique Austin Powers. Autrement dit, malgré la gravité du sujet, ce réalisateur a de l’humour et du second degré. Cela ne veut pas qu’il traite de façon désinvolte ce sujet sérieux – le harcèlement sexuel en entreprise, et pas n’importe laquelle, la chaine FOX NEWS entièrement dévouée au – l’époque - candidat Trump. Mais il le fait sans faire peser sur chaque plan le poids de la dénonciation contrite.

Scandale est rapide comme l’éclair, comme s’il avait été tourné à toute allure, et pourtant dense dans le nombre d’informations qu’il parvient à véhiculer sans effort apparent. François Truffaut aurait dit que c’est un film « tourné de la main gauche », soit tout l’inverse de ce genre de docu-dramas souvent plombés par leur esprit de sérieux. Scandale retrouve la vibration de ces films des années soixante-dix comme ceux de Michael Ritchie (Votez Mc Kay !) ou Martin Ritt (Norman Rae), qui eux même avaient été jugés à l’époque, comme Scandale l’a souvent  été, «insuffisamment mis en scène».

« Insuffisament mis en scène » un film qui montre comment le sexisme et harcèlement sont un poison qui se distille au quotidien et modifie inéluctablement les rapports humains ? Insuffisament mis en scène un film qui montre comment les femmes sont sommées de se conformer à un stéréotype et choisit pour cela un casting puissamment théorique (Margot Robbie, Charlize Theron, Nicole Kidman comme trois incarnations à trois âges différents du même canon esthéthique) ? « Insuffisamment mis en scène » un film qui montre comment on demande aux femmes de changer leur apparence quand les puissants se drappent des oripeaux de la bienséance alors qu’ils usent de leur pouvoir pour obtenir un droit de cuissage comme aux temps les plus reculés de l’Histoire ?

Scandale est un film rentre-dedans qui ne se cache pas derrière son petit doigt, montre la complexité de jauger la limite entre arrivisme et abus (sachant que l’abus arrive parce que certains utilisent l’ambition des autres comme d’un levier pour assouvir leurs pulsions ), qui ne se présente pas comme beaucoup de films du genre avec une vérité toute prête à laquelle le public est acquise et que le propos sera de convaincre des méchants de fiction du bien fondé d’un jugement que personne ne remettait plus en cause. Au contraire, Scandale prend le parti de montrer comment une vérité aussi évidente peut-être longue et complexe à prouver et à mettre en lumière.

Et de se dire rétrospectivement qu’Austin Powers était déjà une satire irrésistible du machisme de certains hommes.