Soirée hommage hier à la Cinémathèque. Serge Toubiana, directeur du lieu, a évoqué la présence la semaine passée d'Alain Resnais présentant son dernier film
Vous n'avez encore rien vu, évoquant un film enregistrant la présence de fantôme, et faisant un parallèle avec la cinémathèque, lieu où les fantômes du passé sont encore là.
Costa-Gavras a narré sa rencontre avec Marker, le croisant chez les Montand. Il lui fit lire le scénario de L'aveur et Marker lui dit "je veux en être, que puis je faire"? Gavras lui aurait proposé de jouer dedans, ce que Marker refusa tout de net, et lui proposa plutôt de faire photographe de plateau. On se souvient que Marker réalisa un reportage sur le tournage du film "On vous parle de Prague : le deuxième procès d'Artur London". Gavras espère un jour proposer une exposition des photos de tournage de Marker.
L'écrivain et producteur anglais, Colin McCabe, auteur d'une biographie de référence sur Godard, raconta sa collaboration avec Marker, sur l'exposition
Hollow Men (2005), une histoire du vingtième siècle dont seul le prélude sortit de terre sous la forme d'une installation, et narra une journée funeste pour lui, où il dû venir à Paris chez Marker, lui annoncer que sa négocation des droits des poèmes de T.S. Elliot avait finalement échouée, provoquant la perte de six mois de travail. Selon lui, Marker lui dit quelque chose comme "c'est pas grave" et Marker aurait écrit dans les jours qui suivirent un poème de remplacement écrit de sa main. L'anecdote mériterait d'être développée car nous ne sommes pas sur d'avoir tout compris aux explications de McCabe et l'exposition eut bien lieu avec le poème d'Elliot (quid du poème de Marker ?).
Catherine Belkhodja raconta sa rencontre avec Marker, alors jeune fille, lors d'une projection à Paris de
L'ambassade, séance organisée par Dominique Païni. Elle le retrouva des années plus tard, et leur première collaboration fut
L'héritage de la chouette.
Un homme raconta qu'il avait à l'âge de huit ans tourné dans L'ambassade, et qu'il avait dessiné des baleines pour Marker pour le court métrage
Vive la baleine (projet initié et conçu par Mario Ruspoli, auquel Marker collbora en écrivant la voix off et en supervisant le montage . Cf. les souvenirs d'Anatole Dauman dans son autobiographie). Devenu chef cuisinier, l'homme invitait parfois Marker, seulement en petit comité, Marker détestant le monde.
Benjamin Rassat, réalisateur d'un documentaire conscré au coureur Alain Mimmoun, remercia Marker de l'avoir autorisé à utiliser dans son film des images qu'il avait filmé aux jeux olympiques de 1952 pour son film
Olympia 52. Rassat raconta comment il échangea des mails avec Marker et lui demanda longtemps à le rencontrer afin d'effectuer un sujet sur le montage en partant du Clip
Stress de Romain Gavras (que Marker avait défenu dans un billet) mais Marker répondait à chaque fois qu'il n'avait pas le temps.
Michel Legrand rendit hommage à Marker via une vidéo. Il narra un voyage vers la Russie en bateau où il se trouvait dans la cabine de Marker, mais cette première rencontre fut froide. Il se retrouvèrent des années plus tard, via Agnès Varda et Jacques Demy, alors que Legrand travaillait sur
Les Parapluies de Cherbourg. Demy et Legrand craignaient la catastrophe pour le film, mais Marker leur assura que ce film connaîtrait "le succès public et critique en même temps, dès sa sortie". Legrand écrivit la musique du
Joli mai en improvisant, sans voir aucune image du film. Marker lançait des phrases cryptiques comme "cette étoile est plus grosse que l'autre" et Legrand jouait du piano. Legrand expliqua avec son oeil facétieux. que Marker l'appela ensuite pour lui dire "Les morceaux que tu as joué ont la durée exacte des séquences sur lesquelles elles devaient aller, c'est un miracle, vraiment un miracle". (ce qui rappelle cette anecdote d'Yves Simon qui raconta un jour que Marker aimait lui dire "Il n'y a pas de hasards, il n'y a que des miracles).
On revit l'extrait du documentaire d'Agnès Varda
De çi de là, dans l'atelier de Marker. Cerise sur le gateau, quelques prises non utilisées furent montrées. Marker montrant tous les livres inclus dans son téléphone portable, et son plaisir à lire des poèmes dans la fille d'attente des magasins alors qu'il déteste ça, Marker déposant à la caisse d'une FNAC la photo dans une enveloppe d'une vendeuse pour qu'elle tombe dessus.
Furent projetés en première partie :
Leila Attacks! ;
L'ambassade (sans son !) ;
Junkopia ;
Slon Tango ;
Detour Ceaucescu ;
Silent movie (20 minutes, en fait, le module "Le Voyage" de l'installation
Silent Movie). En deuxième partie :
Sans Soleil ;
Mémoires pour Simone.
Tout cela sentait quand même l'organisation un peu bâclée :
L'ambassade fut projeté sans bande son (à part le début), devant les cris de la salle, la projection fut interrompue quelques secondes avant la fin... nous ne profitâmes donc pas de la "chute" (le plan sur la Tour Eiffel). Les travaux montrés dans la première partie appartenaient pour beaucoup aux bricolages de Marker. Si on trouve certains magnifiques, comme
Junkopia, les montrer comme ça, à la suite donnait une image un peu superficiel de ses films.
Quant aux discours, on regrette que peu d'interlocteurs aient expliqué en quoi son oeuvre était complexe, proteiforme et génial, les témoignages consistaient la plupart en des anecdotes personnelles dans lesquelles chacun voulait montrer en quoi il faisait partie de tel ou tel cercle de connaissance de Marker. Ceci dit, pour être juste, il ne tenait qu'à nous d'aller saisir la parole lorsque l'occasion nous fut offerte, puisque chacun était libre d'aller donner son témoignagne. Malheureusement, la timidité nous en empêcha.