Entretien avec Kim Chapiron.
Le voisin.
Fondateur avec Romain
Gavras du collectif mal élevé Kourtrajmé, il a depuis réalisé le délirant Sheitan et le puissant Dog Pound. En 2014 sortira son nouveau
film, La crème de la crème.
En 1986, j’avais six ans, j’ai emménagé dans un immeuble à
Paris avec mes parents, et Chris Marker habitait là, au premier étage. Avant de
connaître ses films, je l’ai donc connu comme un voisin, un voisin
collectionneur de hiboux et de chats. C’était un personnage de l’immeuble.
En grandissant, il est devenu un guide incroyable. J’allais
souvent chez lui avec Romain [Gavras] lui emprunter des cassettes, notamment de
films fantastiques. Je l’ai rencontré souvent dans les années 90, à l’époque où
est sortie Level 5. Moi j’essayais de
comprendre le film, avec mes armes de jeune garçon.
Avec Romain, nous avons commencé à tourner des courts
métrages et nous lui montrions. Il était exigeant mais encourageant. Par
contre, il nous renvoyait à la figure nos courts-métrages violents ou préférait
ne rien dire. Il était plus sensible à ceux avec de l’humour. Mais il était
toujours bienveillant malgré nos provocations, bienveillant comme le sont ses
films. Je m’en souviens comme d’une très
belle période. Il était ouvert à la discussion, on pouvait rester des heures
chez lui à parler. Il était d’une culture impressionnante, avec beaucoup de
références que souvent nous ne connaissions pas. Une montagne de savoir mais il
faisait passer les choses en douceur, avec le souci d’apprendre. Et nous avions
ce désir d’apprendre. Nous étions très impressionnés et je me souviens qu’avant
de se rendre lui, nous savions que nous allions passer un moment privilégié.
Le film de lui qui m’a le plus marqué fut Le fonds de l’air est rouge. Ce
traitement des couleurs, cette façon d’analyser l’information, ne jamais figer
les images. Depuis, dans tous mes films, je case une scène où les personnages
regardent ce film. Ce sera d’ailleurs le cas dans le prochain.
Une chose qui m’a marqué dans ce qu’il m’a dit c’est ce que
si on mettait des choses très personnelles dans ses œuvres, on touche forcément
des gens. Un détail, insignifiant pour la plupart du monde, trouverait un jour
une résonnance auprès d’un spectateur.
C’est très bien qu’avec cette exposition et ses sorties DVD
les gens découvrent ses œuvres. Moi-même je n’ai pas tout vu. On est à l’heure où on met les artistes en avant,
parfois plus que leurs créations. Chris a toujours voulu se protéger de cela,
même s’il avait un rapport ludique avec son œuvre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire