Le réalisateur / critique Jean-Claude Biette avait écrit un texte resté
célèbre à propos du RAYON VERT d'Eric Rohmer. Dans ce papier intitulé
"Le papillon de Griffith", Biette distinguait les cinéastes qui
laissaient la nature entrer dans le plan, symbolisée par un papillon
inattendu qui traverserait le cadre, des autres réalisateurs qui
attendraient que le papillon passe pour ne pas distraire le futur
spectateur. Dans la première catégorie, on trouverait Rohmer donc, mais
ausi Ford, Walsh, Naruse, Rivette et les Straub. Dans la seconde,
Kubrick, Resnais, Sternberg, Visconti.
Un des opérateurs de TREE OF LIFE, Jeremy Rodgers, a raconté à travers
une anecdote comment ce texte avait trouvé son illustration pratique. (
http://www.icgmagazine.com/wordpress/2011/05/11/sights-unseen/)
"Les acteurs répétaient, en costumes, prêt à tourner, lorsque Terry
aperçoit un papillon. Nous avons donc suivi le papillon à travers
plusieurs pâtés de maison. Jessica Chastain s'arrête au milieu d'une
rue, éclairé par le soleil du matin. Jessica déplie son bras et le
papillon, après avoir effectué un arc de cercle complet vient se poser
dessus. Il est resté posé quelques minutes. Nous blaguions ensuite que
tout le monde allait penser que nous avions réalisé ce plan avec un
trucage numérique. Mais non, c'est un vrai papillon capté par la caméra
d'Emmanuel Lubezki".
Malick va encore plus loin encore que la théorie de Biette, et
appartiendrait peut-être à une troisième catégorie. Celle des
réalisateurs qui n'attendent pas que le papillon entre dans le plan mais
font entrer les acteurs dans le cadre de vie de ce papillon.