« L’odyssée ». Le choix de ce terme pour titrer sa
monographie consacrée à James Cameron, curieusement la première en France,
donne une clé pour comprendre la façon d’appréhender cet ouvrage. Le cinéaste
est l’Ulysse de notre Homère national, David Fakrikian. Comme dans l'épopée
grecque, son héros devra vaincre mille péripéties, plus ou moins fantastiques
et affronter des adversaires, notamment des (producteurs) cyclopes par légion. L’odyssée de James Cameron est une chanson de geste couleur
marine destinée à mettre en valeur les exploits de son héros et le style alerte
de l’auteur vous emporte dès les premières pages. C’est un ouvrage palpitant à
lire, un super roman d’action, et d'une érudition à toute épreuve. Quant au
modeste "un cinéaste" du sous-titre, c'est évidemment une litote
puisque pour David Fakrikian, Cameron est LE cinéaste.
(L'odyssée de James Cameron ; éditions Fantask)
Dans l’avant-propos, l’auteur explique que les informations
distillées tout au long de l'ouvrage proviennent d’interviews parues tout au
long de la carrière de Cameron, archivées méthodiquement toutes ces années,
ainsi que de témoignages de collaborateurs plus ou moins proches recueillis par
l’auteur au fil du temps. Autant dire que cette somme est la synthèse de trente
années de passion de la part de David Fakrikian, le fan N°1 de James Cameron en
France. Ne nous leurrons
pas : ici, c’est la légende qu’on imprime ; ce qui change un peu des
biographies l’anglo-saxonne qui vendraient père et mère pour démonter les
génies, pointer leurs contradictions ou les ramener à leur simple condition
terrestre. Tous les moments célèbres de la geste cameronnienne sont donc bels et bien là avec le
souci de leur donner cette forme qu'on appelle le destin : Cameron qui pénètre
dans la salle de montage de Piranhas
2 pour remonter son film dans
le dos des financiers ; Cameron qui insulte régulièrement sur son plateau
les producteurs venus lui demander des comptes ; Cameron qui manque de se
noyer sur le tournage d’Abyss, Cameron
affrontant les rumeurs de
désastre à venir durant l’interminable post-production de Titanic. Pour
Fakrikian, Cameron sera de tout temps cet esprit libre et combatif luttant pour
parvenir à être à la hauteur de son imaginaire. Même après qu’il se fut
couronné « Roi du monde ».
Parfois, David Fakrikian n’a pas peur d’emprunter quelques
raccourcis. Au milieu des années 1980, Cameron qui n’était pas encore le
prophète de notre temps était souvent démoli par la presse. Fakrikian, pour
illustrer la sottise de ses détracteurs, cite une diatribe au lance-flamme de
Frédéric Mitterrand contre Aliens,
le retour accusant le film d'apologie guerrière en se cachant derrière
des ennemis extraterrestres pour montrer que l'ennemi, quel qu’il soit, n'a
aucune humanité (à cette même époque, Cameron venait de co-signer le scénario
de Rambo 2). Mais
bizarrement, aucune référence à la revue Starfix dans laquelle Christophe Gans
et Bernard Lehoux s’en étaient pourtant pris à Terminator et à Aliens avec des arguments pas si éloignés,
même si formulés de façon moins virulente. Idem pour Titanic. Quand le film sort, c’est un succès public
ET critique, pourtant Fakrikian arrive à vous faire un paragraphe sur la
critique négative de Kenneth Turan (intitulée "Titanic sinks
again") à laquelle Cameron se crut obligé de répondre. C’est le pêché
mignon des geeks: longtemps minoritaires ou déconsidérés, quand ils ont eu le
pouvoir entre leurs mains, ils en ont venu à considérer que tout ce qui leur
résistait ne devait plus avoir droit de citer. On ne critique pas le Roi.
Dans le même ordre d’idée, on peut regretter que Fakrikian n’explore
pas plus les contradictions ou les aspects moins reluisants de la personnalité
de Cameron. Personnellement, une scène en particulier m’a toujours dérangée
dans sa filmographie, jusqu’à jeter un voile sombre sur le sens de son
intransigeance légendaire. Elle se trouve dans True Lies. Il
s’agit de l’humiliation du personnage de Bill Paxton par Harry Tasker (Arnold
Schwarzenegger). Paxton incarne un vendeur de voitures un peu miteux qui, pour
séduire la femme de Tasker (Jamie Lee Curtis), lui fait croire qu’il est
lui-même un agent du gouvernement. La dame délaissée par son mari se laisse
vaguement approchée avant que Monsieur n’intervienne et ramène le pauvre Bill
Paxton à sa condition de menteur, d’affabulateur, de parasite. Pour lui donner
une leçon, Harry Tasker menace de l’assassiner jusqu’à ce que le pauvre hère
s’urine dessus, provoquant l’hilarité d’Arnie. "Would a spy pee himself
?". En lisant le livre de Fakrikian, je ne peux m'empêcher de me
demander si cette supposée toute puissance de Cameron ne cache parfois un
mépris insupportable pour tout ce qui serait de l’ordre de la faiblesse, du
ratage ou de l’échec.
Bref, revenons à nos moutons (électriques). La métaphore est un
peu évidente, mais Cameron sous la plume de l'auteur, c'est Terminator, celui
du deuxième film, une sorte de figure paternelle forte doublée d’un bloc de
pure fascination. Et dans cette hypothèse, il semble tout aussi évident que
David Fakrikian, c'est Edward Furlong, son jeune admirateur. Si Fakrikian a
dépassé la cinquantaine, il est toujours possédé par le feu sacré qui brûle
pour son idole. On sait que les auteurs de biographie choisissent souvent leur
sujet pour montrer au monde le modèle auquel il aspire dans la vie. James
Cameron est sans doute ce double fantasmé dans lequel se projette l’auteur. A
travers l'odyssée de James Cameron se dessine en creux l'autoportrait de David
Fakrikian dont le credo cameronien est devenu sa maxime : "croire en soi,
ne jamais s'arrêter, toujours avancer, quoiqu'on en dise le monde autour de vous,
et tout faire pour que se concrétise sa vision". Enjoy!
(L'odyssée de James Cameron ; éditions Fantask)
***
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
RépondreSupprimer