A bientôt j'espère

(To Chris M.)

dimanche 13 novembre 2022

ZEROS AND ONES d'Abel Ferrara

Abel Ferrara a eu l'idée de ZEROS AND ONES pendant le premier confinement 2020. Exilé en Italie depuis plusieurs années, le cinéaste new-yorkais a imaginé une traque au terroriste dans les rues de Rome pendant qu'une pandémie a is la ville sous cloche. La Covid19 n'est pas mentionnée, et ce pourrait un tout autre virus qui a mis la ville à l'arrêt. Les véhicules militaires sont les seuls autorisés à parcourir les rues pour s'assurer que le confinement est respecté. A l'écran, les gens portent des masques et se versent du gel hydroalcoolique sur les mains. Ferrara a tourné ce film en équipe réduite, il lui a suffi de capter la réalité du monde dans sa caméra pour concevoir un film qui s'apparente plus d'une fois à de la science-fiction. Ethan Hawke a tout de suite eu envie de participer à cette aventure. L'acteur américain joue au moins deux rôles à l'écran : J.J. un militaire américain en mission à Rom, et Justin, son frère jumeau, un révolutionnaire qui veut faire exploser le Vatican. Mais il en incarne peut-être un troisième, lui-même ou au moins quelqu'un qui lui ressemble puisqu'Ethan Hawke intervient en introduction et en conclusion pour dire ce qui l'a poussé à faire ce film, puis ce qu'il a pensé du résultat, en quelque sorte des bonus intégrés au film lui-même ! Ce n'est pas la moindre des originalités de ce trhriller labyrinthique qui vous plonge dans les mystères technoïdes d'une nuit romaine sans fin.

jeudi 10 novembre 2022

THOR : LOVE AND THUNDER - critique

 



https://blog.starfix.fr/2022/08/23/thor-love-and-thunder/

Quand les fans détestent, on se dit qu'il faut absolument y aller...

 

Songes d’une séance d’été

Le quatrième épisode de Thor a suscité la colère d’une partie des fans, ceux-ci reprochant à Taika Waititi, réalisateur et scénariste, d’avoir brisé l’équilibre miraculeux qui faisait la force des films du M.C.U., cet alliage subtil fait d’humour et de tragédie épique (puisque même les héros peuvent mourir – voir Iron Man). Waititi aurait fait sombrer son film dans la pure parodie, crime de lèse-majesté absolu.

            Éliminons toute ambiguïté, et ne nous faisons pas passer pour ce que nous ne sommes pas. Les films Marvel ne provoquent en général chez nous qu’une indifférence polie, et nous les voyons de façon aléatoire, selon les circonstances. Mais, même s’il n’est pas impossible que la moitié des références aux autres histoires de cet univers partagé nous soient passées par-dessus tête, ce Thor : Love and Thunder, dont nous n’attendions rien, nous a enchanté.

            Reprenons. Thor 4 ne serait donc pas parvenu à maintenir l’équilibre entre humour et émotion. Le film va effectivement assez loin dans une accumulation forcenée de blagues potaches désamorçant systématiquement chaque situation dramatique. Alors que Valkyrie, la reine d’Asgard, fait étalage de ses armes tranchantes à Jane Foster, l’ancienne compagne de Thor, la vue d’une arme étrange de forme oblongue pousse celle-ci à lui demander s’il s’agit d’une grenade, et la guerrière de répondre que non, c’est son enceinte portative, et elle l’enclenche pour jouer « Family affair », le hit de Mary J. Blige. Zeus, le dieu le plus puissant de l’univers, sur lequel comptent nos héros pour les aider, est incarné par un Russell Crowe en mode « gérarddepardieuesque » (période Obélix), parlant avec un accent grec, idée plutôt géniale, ce type de rôle étant en général réservé aux comédiens britanniques (1). Taika Waititi se plaît à torpiller chacune de ses scènes potentiellement dramatiques avec des gags simplistes.

            Cette avalanche de comédie se situe pourtant dans un récit où la mort est frontale. Le film s’ouvre avec le décès par déshydratation et épuisement d’une petite fille dans le désert, ce qui causera un chagrin inextinguible pour son père, Gorr, « le boucher des Dieux » ; et il se termine par la disparition de l’amoureuse de Thor, Jane, emportée par le cancer qu’elle combattait de longue date. La faiblesse tout humaine de ces dieux est régulièrement mise en avant. Valkyrie décide de ne pas repartir à la bataille ; épuisée par l’ablation d’un rein, elle préfère rester en convalescence. Dans la scène finale, Thor demande à sa fille adoptive de mettre des chaussures appropriées de crainte qu’elle ne se fasse mal aux pieds pendant le combat. Thor retrouve dans un des mondes visités une ancienne complice asgardienne, Sif, gisant au sol grièvement blessée, amputée d’un bras perdu lors du combat. Elle s’interroge sur son avenir possible au Valhalla, le monde des morts. Thor lui répond, amusé, que pour se rendre là-bas, il faut être mort pendant le combat, ce qui n’est visiblement pas le cas puisqu’elle a encore la capacité de lui parler, avant d’ajouter que peut-être seul son bras coupé aura le droit d’aller au paradis des guerriers. Propos ironique qui rappelle toutefois une interrogation philosophique quant à savoir si la partie d’une chose peut être la métonymie du tout (le géant de pierre, Korg, a beau avoir le corps détruit et ne plus posséder que son visage, il est toujours Korg).

            Alors, à ce stade, nous pouvons constater que le réalisateur charge avec gourmandise les deux plateaux, celui de la comédie et celui du drame. Mais qu’est-ce qui fait que ce mariage des contraires nous semble si enthousiasmant ? Il faut peut-être en passer par la distanciation avec laquelle le cinéaste filme ces sentiments.

            La Nouvelle Asgard, située en Norvège, est devenue un parc d’attraction à ciel ouvert, parc modeste assez loin des fastes de Disneyland. Des visiteurs viennent boire de l’hydromel dans des bars ou font un grand huit sur un drakkar adapté en manège de foire (ce même manège, une fois débarrassé des fauteuils sécurisés en plastique, servira ensuite à nos héros, de navette pour naviguer sur des vagues stellaires). Dans les rues, des saltimbanques donnent des spectacles. On découvre – reprise d’un gag de Thor : Ragnarok – des comédiens en train d’interpréter une pièce relatant les exploits de Thor (joué astucieusement par le frère de Chris Hemsworth, Luke) et de son frère Loki (cameo savoureux de Matt Damon), tandis que les observe Odin (Sam Neill affublé d’une barbe de père Noël). Les acteurs grossièrement grimés prennent un malin plaisir à cabotiner dans un spectacle de facture simple : le marteau de Thor ressemble à un jouet et se déplace dans les airs grâce à un fil bien visible manipulé en coulisse par un technicien. La mise en abyme est tout à fait savoureuse mais elle prend une dimension encore plus forte ici : le film que nous voyons n’est pas si éloigné de cette mise en scène rudimentaire. Il y a de l’argent pour effacer le fil du faux marteau, mais le « vrai » marteau de Thor n’en a pas pour autant l’air moins factice ; quant à l’apparition de Sam Neil en Odin, elle n’est pas moins extravagante que celle de Russell Crowe en Zeus. Marvel offre 200 millions de dollars à son réalisateur pour réaliser un spectacle dont la vocation est la même que celle de ce théâtre de rue : il s’agit de divertir les foules avec des mythes séculaires ; de provoquer le rire et les larmes quitte à avoir la main un peu lourde pour susciter ces émotions. L’excès est là pour compenser une production rudimentaire.

 

            Le théâtre a cette capacité de nous projeter dans un royaume sur quelques planches et une chaise pourra faire office de château fort. Le cinéma s’est a contrario toujours donné pour mission de rendre les environnements réalistes même s’ils sont fantaisistes. C’est là que Waititi parvient à retourner à son avantage un des grands défauts des films Marvel – leur absence d’environnements charnels. La plupart des films du studio se déroulent dans des lieux indéfinissables ou passe-partout (bureaux, tarmacs d’aéroports, vaisseaux plongés dans la pénombre). On sait que le cinéma invente, recrée, truque, et que les mondes merveilleux que nous voyons à l’écran sont fictifs. Cela n’a pas empêché des milliers de spectateurs du Seigneur des anneaux d’avoir l’envie de voyager jusqu’en Nouvelle Zélande pour découvrir les paysages verdoyants où se déroulaient les aventures des Hobbits. Même Harry Potter, tourné en studio à Pinewood, a donné naissance à une attraction que l’on peut visiter, car qui n’a pas eu envie de toucher le bois de l’école de Poudlard ou de sentir son atmosphère de collège anglais ? Je doute que pareille chose soit possible pour un film Marvel. Qui aurait envie de visiter le QG du Shield, aussi glamour qu’un espace de bureaux à louer dans une zone industrielle ? Thor : Love and Thunder semble partager avec nous ce constat puisque ce parc d’attractions paraît bien fade avec ses manèges de station balnéaire. Mais Waititi nous dit que le décor n’est pas si important, que tout est faux, mais que cela n’empêchera aucun spectateur de projeter son imaginaire dans ce récit épique où des Dieux s’affrontent dans plusieurs dimensions et sur des planètes parfois aux couleurs éclatantes, parfois en noir et blanc. Il faut juste y croire. Le récit multiplie les situations de mise en scène. Gorr raconte aux enfants son histoire qu’il a adaptée comme le ferait un conteur ; à plusieurs reprises, le récit est coupé par des montages dans lequel un narrateur introduit des récapitulatifs des événements passés. Le réalisateur semble prendre un malin plaisir à mettre en relief son amour du récit (2).

            Waititi ne se contente pas de nous montrer les coulisses de la création et de la mettre à nue. Ses personnages eux aussi naviguent entre deux univers, celui de leur « réalité » et celui du mythe. Jane est le personnage qui passe le plus souvent d’une dimension à l’autre. Dans la vie réelle, c’est notre monde qui est dépeint. Jane ne cite-t-elle pas pour expliquer le concept du trou de vers une scène fameuse d’Interstellar de Christopher Nolan et également celle, identique et antérieure, d’Event Horizon de Paul W.S. Anderson, référence autrement moins noble (un papier, deux points, on superpose ces deux points en pliant la feuille et on fait un trou avec un stylo pour les faire se rejoindre) ? Jane, une scientifique cinéphile ! Lorsqu’elle devient Mighty Thor, l’alter ego féminin du dieu viking, elle se transforme en guerrière valeureuse dotée de superpouvoirs (ce qui n’empêche pas son cancer de progresser). Elle monte sur scène pour jouer un rôle en quelque sorte – elle porte un masque comme dans la commedia dell arte ou le théâtre antique. Tout est faux, donc tout est vrai, et le spectacle peut mélanger l’humour le moins subtil avec le drame le plus poignant. Le premier épisode de Thor signé Kenneth Brannagh avait une ambition shakespearienne trop manifeste vu la filmographie du cinéaste, ce qui rendait le récit un peu lourd ; Thor : Love and Thunder est aussi à sa façon un éloge du théâtre ; derrière ce blockbuster au budget faramineux se cache un retour aux sources salvateur – une pièce antique dans une version adaptée à l’air du temps (c’est-à-dire plus courte et plus colorée) avec les moyens d’un spectacle de rue où l’humour le dispute à la tragédie. Love and Thunder ou le Rire et les Larmes.

            Et nous d’applaudir la troupe lorsque le rideau tombe.

 

 

dimanche 30 octobre 2022

Lelouch / Belmondo

Lelouch et Belmondo sur le tournage de Un homme qui me plaît
Sur le tournage de Un homme qui me plait

© 1969 Les Films 13 / Les Films Ariane / Les Productions Artistes Associés / Delphos

Texte écrit dans le cadre du travail pour le livret Lelouch/Belmondo qui accompagnait la sortie d'un coffret réunissant les trois films sur lesquels l'acteur et le réalisateur avaient collaboré (Un homme qui me plaît, Itinéraire d'un enfant gâté, Les misérables). 


3, UN CHIFFRE PORTE-BONHEUR 

La première rencontre entre Jean-Paul Belmondo et Claude Lelouch date de 1963. Cette année-là, Claude Lelouch est mandatée par Unifrance, l’organisme de promotion du cinéma français à l’étranger, pour tourner un portrait de l’acteur en pleine ascension après le succès de A bout de souffle, afin de ne pas perdre de temps et de faire découvrir la star en devenir à des publics internationaux. 

A l’époque, Lelouch, qui n’a pas encore tourné Un homme et une femme, mais a tout de même cinq longs-métrages à son actif, filme régulièrement des scopitones (ancêtre des clips). C’est grâce à cette expérience sur des formats courts mettant en valeur des vedettes qu’Unifrance lui propose de tourner ce court-métrage documentaire pour lequel il a quartier libre. 

Lelouch découvre alors en Jean-Paul Belmondo un jeune homme joyeux et déconneur, qui l’emmène faire du football dans sa voiture de sport, avec lequel il passe du bon temps, et traite le jeune cinéaste d’entrée de jeu comme un copain. Lelouch est impressionné par la façon dont Belmondo met tout le monde à l’aise et sa propension à jouir de la vie à chaque seconde. Lelouch décide alors de filmer cet homme finalement simple, à qui le mirage de la notoriété n’a pas fait tourner la tête ; dans sa vie quotidienne faite d’amusements, loin de chercher à consolider son statut de vedette. Ce film d’une dizaine de minutes est malheureusement aujourd’hui disparu. 

Pendant les années qui suivent, la promesse Belmondo est tenue au centuple. Il enchaine en quelques années une série de réussites impressionnantes : Léon Morin, prêtre, Une femme est une femme, Cartouche, Le Doulos, Un singe en hiver, Week-end à Zuydcoote, Pierrot le fou... Ce n’est qu’en 1969, six ans après leur première rencontre, que Lelouch et Belmondo vont enfin travailler ensemble sur un long-métrage de fiction. Ce sera Un homme qui me plaît. Tourné aux Etats-Unis, cette comédie romantique et ludique s’attache aux aventures sentimentales d’un compositeur de musiques de films mais s’achève dans la mélancolie la plus totale. Un morceau déchirant de Francis Lai composé pour la bande-originale s’intitule très justement Concerto pour la fin d’amour. Si le tournage se passe à merveille, Belmondo apprécie la légèreté qu’offre Lelouch sur un plateau – légèreté tout de même perturbée par la législation américaine très rigide sur les conditions de tournage, le public n’est pas au rendez-vous ; peut-être est-il désarçonné d’avoir pour héros un personnage volage aux défauts aussi exacerbés. Mais Lelouch l’a toujours dit, il n’a aucun intérêt pour les superhéros et seuls l’intéresse les Hommes dans toute leur complexité. Au fil du temps, Un homme qui me plait est devenu un des films les plus célébrés de Lelouch dans le monde. Il y a quelques années, Jean Dujardin reconnaissait l’avoir vu quarante fois, et quand celui qu’on qualifiait de fils spirituel de Belmondo tourna avec Claude Lelouch, ce fut Un + Une, une variation sur Un homme qui me plaît

Les chemins de Lelouch et Belmondo vont alors diverger pendant presque vingt ans. Belmondo continue d’être un des acteurs les plus populaires de France, jusqu’à devenir dans les années quatre-vingt cet icône dont le nom sur l’affiche est plus gros que le titre des films. Au fil du temps, l’acteur prend moins de risques, tournant dans des films à formule, formule qui finira par donner quelques signes d’essoufflement. 

Lelouch enchaine de son côté les longs-métrages, et tourne certains de ses plus gros succès comme L’aventure c’est l’aventure ou La bonne année. Les années quatre-vingt sont celles des fresques monumentales (Les uns et les autres, Edith et Marcel) avant un retour à des films et à des productions plus modestes (Attention Bandits) ou en terrain connu (la suite d’Un Homme et une femme, 20 ans déjà). C’est à cette époque que Lelouch se dit lassé par le cinéma et pense même divorcer du grand amour de sa vie. En vingt-cinq ans de carrière, et presque autant de films, il a travaillé de façon acharnée. On peut concevoir qu’une certaine fatigue se fasse sentir. 

En 1987, ce sont donc deux hommes vivant un moment de doute après des carrières brillantes, mais harassantes, qui se retrouvent alors. Claude Lelouch le reconnait volontiers : « Jean-Paul et moi on a eu un creux avec le public, on était moins « bankable » ; on décide alors de produire Itinéraire d’un enfant gâté tous les deux et de prendre tous les risques, on va parler de la mort, de la famille, de choses sérieuses, mais sous forme de comédie ». Et le risque paie puisque c’est un succès avec plus de 3 millions de spectateurs, résultat tout à fait exceptionnel pour un film voyageur privilégiant le vagabondage aux routes toutes tracées. 

Lelouch repart de plus belle et enchaine comme à son habitude les tournages ; Belmondo, lui, ralentit sa carrière au cinéma pour lui préférer le théâtre où il brille désormais. Après Kean, il endosse l’habit de Cyrano. Le temps des polars musclés est révolu, Belmondo assume son âge, il vient de franchir la soixantaine. 

Lelouch et Belmondo attendent avant de trouver le bon projet pour se réunir à nouveau. Quel personnage symbolise le mieux la possibilité d’un homme à se rédempter que celui de Jean Valjean ? Personnage mythique de Victor Hugo campé au cinéma par des acteurs qui le sont tout autant... Après trente ans de carrière, Jean-Paul Belmondo a la carrure et l’épaisseur psychique, celle qu’on n’acquiert qu’à travers l’expérience et le temps, pour jouer Valjean. Les Misérables sera aussi évidemment un film de Claude Lelouch, qui réinvente le roman avec sa sensibilité et transpose l’histoire au XXe siècle. 

Les Misérables sera donc la troisième rencontre au cinéma entre Claude Lelouch et Jean-Paul Belmondo. Ces dernières années, le cinéaste français pensait réunir l’acteur et Richard Anconina pour une suite d’Itinéraire d’un enfant gâté ; un peu comme il avait donné une continuation crépusculaire à Un Homme et une femme avec Les plus belles années d’une vie. Mais la santé défaillante de Jean-Paul Belmondo depuis de nombreuses années empêcha le projet de se concrétiser. 

Il nous reste de cette amitié, amitié amicale et cinéphilique, à nous spectateurs trois films inoubliables. Trois films, c’est finalement peu quand on compte le nombre d’œuvres de chacun. Trois films qui ont été des rendez-vous réguliers mais espacés dans le temps – loin de ses collaborations cinéaste/acteur qui se joue souvent sur une période donnée avant que chacun reparte de son côté. On se dit que Belmondo aurait pu ne jamais tourner pour Lelouch et Lelouch aurait pu tourner autant de films sans jamais faire appel à Belmondo. Chacun menait sa carrière en parallèle sans qu’aucune nécessité apparente n’impose de les réunir. Et c’est peut-être le plus beau dans tout ça : ces trois films ont été faits parce que les deux hommes avaient envie de les faire, loin de tout calcul, de toute stratégie, ou d’un air du temps opportuniste. Trois films faits à des moments charnières de vie, moment durant lesquels on a besoin de se reposer un peu sur l’épaule d’un bon copain. Trois films faits pour le plaisir de faire, pour être l’un avec l’autre, pour jouer ensemble, comme si c’était l’heure de la récréation.

mercredi 13 juillet 2022

DESIGNE COUPABLE - intro




Introduction écrite dans le cadre du travail, pour le livret reproduisant le premier chapitre de la biographie de Mohamedou Ould Slahi, "Les carnets de Guantanamo", accompagnant l'édition collector de DESIGNE COUPABLE de Kevin MacDonald.  

La prison américaine de Guantanamo célèbre tristement ses vingt ans. Elle a été ouverte après les attentats du 11 septembre 2001. Sa situation géographique particulière, elle est située sur une base militaire américaine à Cuba, empêche les détenus d’avoir accès aux mêmes droits que les prisonniers présents sur le sol américain. Cette anomalie juridique volontaire avait pour but de répondre offensivement au terrorisme, quitte à sacrifier les droits civiques les plus élémentaires. Résultat, des centaines de personnes y ont été incarcérées sans procès – et quelques dizaines le sont encore puisque Guantanamo n’a jamais été fermé alors que son démantèlement fut à plusieurs reprises envisagé sous les mandats des différents présidents qui ont succédé à George W. Bush.

Désigné coupable raconte l’histoire d’un de ses naufragés du système, Mohamedou Ould Slahi, dit « le Mauritanien ». Enfermé pendant quatorze ans pour terrorisme sans le moindre commencement de preuve ou même d’accusation précise, il a tenu des carnets dans lesquelles il racontait sa vie, passé et présente, sous une forme à la croisée du documentaire et de la poésie. Fait exceptionnel, ce journal de détention, intitulé Les carnets de Guantanamo, fut publié pendant son incarcération, avec la collaboration de Larry Siems, un avocat spécialisé dans les Droits de l’Homme. 

Ce sont ces carnets qui ont motivé les producteurs de Désigné coupable a raconté son histoire, mais sous un autre angle, celui du combat acharné de ses avocats contre l’Etat et l’appareil militaire. Ceux-ci voulaient lui offrir les droits auxquels chaque citoyen, même incarcéré, devrait avoir droit dans une démocratie. 

L’ouvrage et le film offrent ainsi deux approches complémentaires d’une même situation. D’un côté une plongée intime dans le monde intérieur d’un prisonnier qui ne sait pas de quoi on l’accuse ; de l’autre une mise en cause politique virulente qui cherche aussi à mettre en lumière les fondations profondes qui soutiennent cet édifice pénitentiaire. 

Pour accompagner l’édition vidéo du beau film de Kevin MacDonald, nous publions le premier chapitre du journal de Mohamedou Ould Slahi. La mise en page a tenu à respecter au maximum le texte original puisque les nombres passages secret-défense, plutôt que d’être reformulés, ont été barrés en noir. En résulte un texte littéraire mais aussi puissamment graphique. Ce texte « à trous » offrait déjà donc la possibilité au cinéma à s’y engouffrer pour combler ces espaces béants.  





samedi 1 janvier 2022

PHANTOM N°10

 

Le numéro (110 pages) est disponible.

coût : 15 euros + 5 euros de port.

Pour l'adresse, envoyer un courriel, nrioult@yahoo.fr


Au sommaire 

LA DISPARITION

- The Two Jakes, l'énigme de la disparition de Katherine Mulwray

- Star Suburb : itinéraire spatial de Stéphane Drouot. Rencontre avec l'équipe du film, collages inédits de Stéphane Drouot et documents rares. 

- The Devil in Miss Jones : portrait Georgina Spelvin + entretien avec Joao Fernandes, le directeur de la photo. 

- Friends and Enemies : le chef-d'oeuvre oublié du cinéma américain des années 90. Présentation, critique, entretien avec le réalisateur Andrew Frank et le co-scénariste Tom McCluskey

- La fin inédite du 13e Guerrier (extrait du scénario) 

- A propos du dernier film de Budd Boetticher, A Time for Dying

- Affiche alternative de La Forteresse Noire

- Le noir au cinéma / Le cinéma, art du réel ? / Brie Larson le personnage qui ne dit rien dans Don Jon / Éloge d'Adeline La Fouine...