Introduction écrite dans le cadre du travail, pour le livret reproduisant le premier chapitre de la biographie de Mohamedou Ould Slahi, "Les carnets de Guantanamo", accompagnant l'édition collector de DESIGNE COUPABLE de Kevin MacDonald.
La prison américaine de Guantanamo célèbre tristement ses vingt ans. Elle a été ouverte après les attentats du 11 septembre 2001. Sa situation géographique particulière, elle est située sur une base militaire américaine à Cuba, empêche les détenus d’avoir accès aux mêmes droits que les prisonniers présents sur le sol américain. Cette anomalie juridique volontaire avait pour but de répondre offensivement au terrorisme, quitte à sacrifier les droits civiques les plus élémentaires. Résultat, des centaines de personnes y ont été incarcérées sans procès – et quelques dizaines le sont encore puisque Guantanamo n’a jamais été fermé alors que son démantèlement fut à plusieurs reprises envisagé sous les mandats des différents présidents qui ont succédé à George W. Bush.
Désigné coupable raconte l’histoire d’un de ses naufragés du système, Mohamedou Ould Slahi, dit « le Mauritanien ». Enfermé pendant quatorze ans pour terrorisme sans le moindre commencement de preuve ou même d’accusation précise, il a tenu des carnets dans lesquelles il racontait sa vie, passé et présente, sous une forme à la croisée du documentaire et de la poésie. Fait exceptionnel, ce journal de détention, intitulé Les carnets de Guantanamo, fut publié pendant son incarcération, avec la collaboration de Larry Siems, un avocat spécialisé dans les Droits de l’Homme.
Ce sont ces carnets qui ont motivé les producteurs de Désigné coupable a raconté son histoire, mais sous un autre angle, celui du combat acharné de ses avocats contre l’Etat et l’appareil militaire. Ceux-ci voulaient lui offrir les droits auxquels chaque citoyen, même incarcéré, devrait avoir droit dans une démocratie.
L’ouvrage et le film offrent ainsi deux approches complémentaires d’une même situation. D’un côté une plongée intime dans le monde intérieur d’un prisonnier qui ne sait pas de quoi on l’accuse ; de l’autre une mise en cause politique virulente qui cherche aussi à mettre en lumière les fondations profondes qui soutiennent cet édifice pénitentiaire.
Pour accompagner l’édition vidéo du beau film de Kevin MacDonald, nous publions le premier chapitre du journal de Mohamedou Ould Slahi. La mise en page a tenu à respecter au maximum le texte original puisque les nombres passages secret-défense, plutôt que d’être reformulés, ont été barrés en noir. En résulte un texte littéraire mais aussi puissamment graphique. Ce texte « à trous » offrait déjà donc la possibilité au cinéma à s’y engouffrer pour combler ces espaces béants.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire