Dans la ville de
Sylvia (2007) est éclairé par la
talentueuse directrice de la photographie Natasha Braier, à qui l’on doit la
lumière subtile et impressionniste de The
Rover de David Michôd. La jeune femme a aussi éclairé Casse-tête chinois de Cédric Klapish et prochainement, The Neon Demon de Nicolas Winding Refn.
Une filmographie éclectique, souvent au service de cinéastes aux choix
esthétiques forts (même Klapish dont Casse-tête chinois est sans doute son
film les plus sophistiqué en terme de lumière).
Que le cinéaste espagnol qu’on qualifiera de minimaliste José
Luis Guerin l’ait choisi pour son chef d’œuvre tourné dans les rues de
Strasbourg n’est finalement pas étonnant. Car si Dans la ville de Sylvia semble être un film d’auteur décharné
(presque pas de dialogues, pas d’histoire : juste un étudiant qui suit
dans les rues une jeune femme), la mise en scène fait feu de tout bois :
jeunes filles filmées obsessionnellement comme si elles étaient des héroïnes de
tableaux de la Renaissance (plus d’une fois, on pense à la série de photos Passengers de Chris Marker, qui captait
des visages dans le métro parisien et mettait en vis-à-vis sur certaines d’entre
elles une peinture classique ), le film passe
ainsi dans son ouverture 20 minutes à scruter des visages de jeunes filles
assises à la terrasse d’un café comme si, à l’image de son héros étudiant qui
les dessine sur son carnet, il ne savait pas trop laquelle choisir devant tant
de beautés qui s’offrent à son regard. Filature
avec des plans au ras du bitume dans les rues strasbourgeoises comme une réminiscence
amplifié du Vertigo d’Hitchcock (le héros croit reconnaitre Sylvia, une femme
qu’il a connu dans le passé), reflets de visages sur des rames de métro qui
passent et repassent devant notre héros fébrile. Même les figurants sont très
voyants : pas un plan qui ne montre des passants entrer ou sortir du
champ, passants dont on entend très distinctement les bruits de pas. Les affiches publicitaires qu'on voit parfois ont peut être même été conçues pour ce film. Il y a une tension très forte entre ce
réalisme apparent et cette façon d’en faire surgir des icônes. Chef d'oeuvre du cinéma de déambulation, Dans la ville de Sylvia est pourtant toujours parcouru d'une tension constante maintenue par une caméra toujours à l'affût de la beauté. Natasha Braier n'est sans doute étrangère à cette réussite.
Natasha Braier, une dirctrice de la photo venue d'Argentique, euh, Argentine. |
PS : il existe une version alternative intitulée Quelques photos dans la ville de Sylvia,
sorte de document de préparation au tournage entièrement constitué de clichés,
dont la forme rappelle évidemment La
Jetée.
PS 2: la fille que recherche le héros s'appelle SYLVIE (il écrit même son nom sur un cahier). qui est donc la Sylvia du titre ?
Chris Marker, photo tirée de Passengers |
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