L’exposition Philippe Parreno au Palais de Tokyo est l’occasion
de découvrir son court-métrage Marilyn,
réalisé en 2012. Le film est projeté sur un grand écran dans une salle vide,
dans laquelle il n’y a qu’un banc pour s’asseoir. La lumière s’éteint, la projection commence. Une chambre d’hôtel
américaine dans les années 50, colorée et kitsch, on se croirait dans un décor
de la série Mad Men, en fait la
reproduction d’une chambre où séjourna Marilyn Monroe. Une voix off féminine,
celle de l’actrice à priori, décrit méticuleusement le décor : la couleur
des rideaux, le nombre de fenêtres, les magazines posés sur la table basse…. La
caméra se déplace dans le décor vide. Les mouvements sont précis et lents. Gros
plan sur une feuille de papier, on voit la plume d’un stylo à l’encre violette
écrire des mots. Une écriture déliée et difficilement lisible. La plume rature
les mots. Les mouvements de caméra mécanique sur le décor laissent alors place
à ceux d’une caméra portée, comme si la
personne qui décrivait le décor était soudainement dedans, et que c’est à
travers son regard qu’on percevait l’environnement. Il y a une présence. Une
voix, un regard, une écriture. Il y a quelqu’un dans ce lieu mais on ne voit
pas son corps. Comme un fantôme. Les
choses se dérèglent. Le téléphone sonne mais personne ne répond. L’écriture
devient folle et la plume repasse à l’identique sur des phrases déjà écrites
les dédoublant à l’identique. Comme une mécanique enrayée. On découvre à la fin
que ce qui tient le stylo n’est pas une main, mais un bras robotique avec une
pince tenant le stylo. Travelling arrière. La caméra dévoile le décor de cinéma
en faisant apparaitre l’environnement qui l’entoure, celui d’un studio de
cinéma. La chambre apparait alors comme une maison de poupée. Pendant que la
caméra recule, le rail du travelling apparait dans le cadre. On découvre des
informaticiens derrière des ordinateurs qu’on imagine piloter les éléments
mécaniques. Parreno utilise une scénographie simple et des outils
technologiques avancés pour reconstituer une Marilyn Monroe chimérique. Technologie
d’autant plus avancée quand on apprend que la voix de Marilyn est vraiment la
sienne, ou plutôt une recréation informatique de sa voix réalisée à partir de
mots qu’elle a pu prononcer dans des films ou des interviews. Et que le bras mécanique piloté par ordinateur
qui écrit sur la feuille reproduit l’écriture de Marilyn. Parreno c’est le
Baron de Frankenstein, utilisant la science pour fabriquer une étincelle de
vie. Mais il ne fabrique pas un corps. Il fabrique des éléments épars qui donne
à imaginer Marilyn plus qu’à la reconstituer. On a ressenti une présence. Marilyn est le plus beau film de fantôme
qui soit.
La projection s’achève. Les lumières se rallument. Derrière
l’écran, il y a une salle. On s’y dirige. Des monticules de neige sont là. Le
froid s’empare de nous. Le blanc de la neige c’est celui de l’écran de cinéma.
Mais immaculé, sans image projetée. La solitude s’empare de nous. Les larmes
coulent de nos yeux. On pense à Marilyn. On pense aux absents.
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