Tom Hardy dans une prestation au-delà de la bonne ou de la mauvaise |
Capone, le troisième film, de Josh Trank est encore une fois consacrée aux métamorphoses du corps. Dans Chronicle et Les quatre fantastiques, il s’agissait de corps transformés par des super-pouvoirs. Mais on n’oublie pas la vision de La Chose découvrant l’abomination qu’était devenu son être dans une séquence cronenbergienne au possible. Capone parait éloigné de cet univers, puisqu’il s’agit d’un récit très librement inspiré par la dernière année de vie de Al Capone, le célèbre gangster surnommé Scarface. Mais il s’agit encore une fois d’un corps en mutation. Mais cette fois-ci pas de super-pouvoirs, ce serait même l’inverse. Victime de troubles de la mémoire et de la siphyllis, son corps n'est qu’un amas de chair difforme que le cerveau n’arrive plus à contrôler. Al Capone, enfin « Fonzo » puisqu’il est désormais interdit de l’appeler par son nom - miroir des temps glorieux - se chie dessus indifféremment en poussant des borborygmes indéchiffrables. Cloitré dans son Xanadu, une demeure rococo peu à peu dépossédée de ses biens, il hante son habitat comme un zombie mimant machinalement les gestes du passé dans une pantomime grotesque. Josh Trank essaie de lisser le présent et les souvenirs, et filme au même niveau la réalité et les rencontres fictives entre Fonzo et certaines connaissances (un vieil ami joué par Matt Damon ; un fils illégitime né d’une précédente union). Trank ne montre jamais ce qui est vrai et faux, et va même jusqu’à créer des scènes qui ne peuvent pas être vues du point de vue du héros éponyme (par exemple Matt Dillon et une conquête dans un motel). Des scènes à priori réelles (comme son médecin dévoilant des informations confidentielles à la police en planque) ont l’air véridiques mais n’émaneraient du cerveau paranoïaque de Fonzo ? Il y a bien pourtant quelques plans « objectifs ». Quand Fonzo discute avec Matt Dillon, des plans de Linda Cardellini, qui joue sa femme, montre bien que Fonzo est seul à ce moment. Mais ces plans sont rares. Josh Trank revendique une liberté totale et ne s’embarrasse d’aucune cohérence. Passé, présent voire futur fusionnent dans la linéarité de narration. Ne plus se souvenir et bientôt mourir, c’est peut-être ne plus savoir distinguer les frontières pourtant fictives du temps. Beau film.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire