Claude Lelouch, c’est cinquante ans de carrière et presque
autant de films. Des films toujours libres,
des explorations de l’amour sous toutes ses formes, des œuvres qui ne
ressemblent à aucune autre. Son style incomparable a innervé l’ADN du cinéma
mondial, et il est difficile de ne pas voir aujourd’hui Paul Thomas Anderson, Alejandro
Gonzales Inarritu, David O’Russell et
bien d’autres la trace du cinéma « Lelouchien » (puisque Lelouch a eu
la chance de voir son nom transformé en adjectif).
LES PLUS BELLES ANNEES D’UNE VIE est une œuvre
expérimentale dans laquelle Claude Lelouch revisite son film le plus connu, UN
HOMME ET UNE FEMME (Palme d’or à Cannes) et retrouve ses personnages – et ses
acteurs – cinq décennies plus tard. C’est une œuvre étonnante qui ne donne pas
exactement à voir ce qu’on aurait pu attendre
d’un tel projet. Pas d’atmosphère crépusculaire (façon AMOUR de Haneke)
ou de nostalgie ici puisque le personnage joué par Jean-Louis Trintignant ne se
souvient plus vraiment de son passé. Sa mémoire a été comme
« rebootée ». Plus d’une fois on pense à la saison 3 de Twin Peaks – et pas seulement parce
Monica Bellucci fait ici aussi une apparition
qui ressemble à un rêve. Lelouch utilise son acteur et son personnage comme
un palimpseste sur lequel écrire un nouveau film. Il ose mélanger les images 35
mm (souvent en Noir & Blanc) de UN HOMME ET UNE FEMME avec le tournage
vidéo en couleur des PLUS BELLES ANNEES D’UNE VIE. Il s’amuse à faire se
répondre les plans, au-delà des années et des formats de tournage, comme si le
cinéma avait ce pouvoir magique d’abolir le temps par la simple puissance du « collage »
de deux images.
LES PLUS BELLES ANNEES est un geste artistique audacieux puisqu’il engloutit en quelque sorte le classique des classiques pour le
transformer en simple matière première dans laquelle il puise pour tourner un
nouveau film, qui plus est plus modeste et ne cherchant jamais à poser au chef d’œuvre.
Lelouch pioche dans ses films comme bon lui semble et le célèbre
court-métrage UN RENDEZ VOUS dans lequel il se filmait traversant Paris à
toute allure est utilisé ici dans un contexte différent. Le court « documentaire »
(puisque c’est un plan séquence tourné en temps réel sans autorisation ni
logistique de tournage) devient dans le nouveau film un flash-back fictionnel
dans la mémoire retrouvée de Jean-Louis Trintignant.
Lelouch, jamais là où on ne l'attend.
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