A bientôt j'espère

(To Chris M.)

mercredi 10 juillet 2019

BOARDING SCHOOL (L'internat) de Boaz Yakin

 


 L'internat est un film d'horreur. Un des plus malaisants qui soit. N'attendez pourtant pas une horreur confortable, prophylactique, à base de fantômes littéraires ou de cinématographiques jump scares - pour reprendre ce terme que les fans d'épouvante aiment abhorrer. Non, L'internat vient du tréfonds de la psyché humaine et de l'Histoire. On y trouve des rapports humains complexes et perturbants : ici, les parents veulent tuer leurs enfants (ou, à défaut, sont au bord de la dépression parce que leurs progénitures font sans cesse des cauchemars la nuit et plutôt que de les réconforter, préfèrent les envoyer promener. Ah le sommeil sacré...) ; les enfants ne veulent plus entendre parler de leurs parents quand bien même seraient-ils des héros (la mère de Jacob n’adressait plus la parole à sa propre mère avant sa mort) ; de vieilles femmes hantent des cimetières juifs et terrifient les enfants venus rendre hommage à leur défunte grand-mère. Pas de repos pour le Kaddish. L'école est un lieu où les élèves les plus forts agressent les plus faibles (à l'école des villes) et où les professeurs martyrisent leurs élèves (à l'école des champs). L'horreur de L'internat vient de loin : de la Shoah que Boaz Yakin n'hésite pas à utiliser comme un ressort dramatique et qui, pourtant, semble être le cœur de son récit, bien qu’elle soit traitée de façon allusive à travers quelques scènes glaçantes.

Drôle de film que cet Internat, sorte de fable façon Petit Poucet, influencée par Mario Bava cité à travers un extrait de Trois visages de la peur diffusé sur un écran de TV, les comics, Stanley Kubrick et les mouvements de caméra de Shining, les contes de Grimm. L'internat est une parabole sur les victimes à travers le temps, et le film semble nous dire que la meilleure défense face à l'agresseur, c’est l’attaque. N'oublions pas que Boaz Yakin a écrit dans une autre vie le scénario du Punisher version Dolph Lundgren. Mais c’est aussi un film qui prend acte des conséquences de cette violence. Quand, dans un des flash backs situés pendant la Seconde Guerre mondiale, Yakin filme la grand-mère du héros assassinant le nazi qui veut la violer, il ne la représente pas comme une wonder woman triomphante, mais comme une succube presque effrayante. La violence, même légitime et nécessaire, est dépeinte comme sale et difficilement acceptable par l'entourage. D'où peut-être les rapports difficiles que la grand-mère de Jacob entretiendra avec sa fille par la suite. Seule la génération suivante pourra la comprendre à travers un fil relationnel invisible. Allons plus loin, c’est sans doute parce qu’il est invisible que ce fil peut être réactivé.

L'internat pourrait être perçu comme une œuvre fondamentalement belliqueuse si Boaz Yakin ne lui avait donné cette aura féminine puissante. La grande idée du film, inoubliable, une des plus fortes images de l'histoire du cinéma, c'est cet enfant de douze ans, bientôt treize, qui enfile la robe de sa défunte grand-mère et se maquille comme une femme, pour combattre à son tour les forces du mal. Le film ressemble alors à ces contes de fée modernes où les auteurs aiment inverser les genres mais ici il n'y a pas à proprement parler d'inversion, mais plutôt une synthèse de plusieurs personnages : le chevalier et la princesse ne font qu'un. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, L'internat n'est pas tellement un film dans l'air du temps. Il semble au contraire nous venir de la nuit des temps, comme si l'affirmation de son être profond, au-delà des genres sexuels, au-delà des rapports de coercition inévitables que la vie met sur notre passage, était la condition sine qua non de la revendication de sa liberté indivisible.

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