Rémi Lange, réalisateur de l’inoubliable journal intime OMELETTE,
vingt ans déjà, continue son parcours du combattant dans la jungle du cinéma,
et depuis son chef d’œuvre inaugural, il a réalisé plusieurs métrages (longs et
courts) diffusés uniquement en dvd ou en festival.
Avoir les moyens des derniers Alain Cavalier ne sont pour
lui pas à un frein à sa soif de cinéma. Et il a surtout décidé de ne pas mettre
ses histoires en accord avec l’absence de moyen. La preuve avec Le Chanteur, un (faux) biopic construit
autour de la personnalité fascinante de l’auteur-compositeur / transformiste
Thomas Polly, sorte de chanteur réaliste et de variété à la fois, d’un charisme
à tomber (Xavier Dolan tiens-toi bien !). Le film suit une intrigue assez
classique pour le genre : ayant perdu sa mère d’un cancer, le jeune homme
quitte sa province natale pour « monter à la capitale » afin de
percer. S’en suivent de nombreuses galère : vie de Sdf, prostitution, rencontre
avec des producteurs, découverte de l'amour fou…. Le chanteur c’est
La Môme sans fards, sans maquillages
hideux, sans calcul... C’est un concentré de vie et d’énergie où toutes les
figures attendues ne sont pas du tout traitées comme on l’attend : la
prostitution est filmée de façon détendue voire comique (géniale scène avec
Philippe Barassat en client névrosé obsédé par l’hygiène et refusant le contact),
les rencontres avec les SDF sont filmées avec humour – sans que le tragique de
leur condition ne soit éludé. Rémi Lange donne de la grandeur aux minorités
: clochards, handicapés, prostitués, homo, trans… A tel point que si ce film a
quelque chose de subversif, c’est uniquement dans ce geste bienveillant d’offrir un
mélodrame musical traditionnel (on voit plusieurs fois le dvd d’Une étoile est née) à ceux qui n’ont pas
droit de citer habituellement.
Rémi Lange ne nous dit pas « ces gens font aussi partie du peuple », il nous dit
« ces gens sont le peuple ».
Le chanteur
commence et se termine par une mort, et appelle souvent les larmes. Pourtant, on
en ressort les yeux brouillés mais joyeux et ragaillardi. La perte de l’innocence du spectateur nous a
toujours paru un sujet tarte à la crème, pourtant, devant Le chanteur , on a l’impression de découvrir un film comme si aucun autre n’avait existé avant, aussi simple et profond qu’une chanson qu’on
aime.