A bientôt j'espère

(To Chris M.)

vendredi 29 décembre 2017

La femme au collier



Maika Monroe dans It follows


L'écrivaine de "La femme et le piano"
Sur celle qui fut la femme du pantin 
L'art d'écrire la muse avec des mots
Cet androïde figée au fusain 

La ciné-star aux bijoux d'apparats 
Exaltée par l'écriture soignée 
De celle dont le nom rime avec Lola 
Ainsi soit-elle, "la femme au collier" 

vendredi 8 décembre 2017

MASTERPIECE TO MASTERPIECE (SONG TO SONG de Terrence Malick)







Song to Song aurait pu être intitulé en français "Chansons de gestes".   

Chansons comme toutes celles qui composent l'hallucinante playlist du film : de Arvo Part au duo sud-africain de Die Antwoord de Haendel à Lykke Li qui interprète plusieurs de ses chansons mais aussi une reprise de Bob Marley en duo avec Ryan Gosling (It hurts to be alone), du rappeur travesti Big Freedia au bouleversant Makambo de Geoffrey Oryema...  Un voyage musical ininterrompu entre l'ancien et le moderne, l’Amérique, l’Europe et l’Afrique, rythmé par une chanson leitmotiv Rollin' and Tumblin’, entendue dans différentes versions.   

Gestes comme ceux des personnages, qui se frôlent, se touchent, se caressent le ventre, s'embrassent du bout des lèvres, voire scrutent la gorge du conjoint pour y chercher son âme (on pense beaucoup à Je vous salue Marie de Godard tout au long du film). Le sexe est encore plus présent que dans  Knight of Cups - à deux, à trois, hétéro et homo - mais on sent Malick peu aventurier, voire gêné aux entournures, dans sa dépiction du coït, plus soucieux de capter les hésitations des corps et leurs vibrations, que leur mélange. 

Une chanson de geste est un long poème décrivant relatant des exploits guerriers du passé. Si les derniers Malick ont abandonné les terres de la mythologie pour en apparence rejoindre celle de l'ultra contemporanéité, il semble au contraire que jamais ses personnages n'ont été plus abstraits qu'aujourd'hui et qu'en réalité, sous la surface, se cache un récit médiéval épique où les châteaux prendraient la forme de villas à l'architecture délirante située au bord de la rivière Colorado, où le méchant roi avec lequel on établit des pactes faustiens serait un producteur façon Richard Branson ou Swan de Phantom of the Paradise, la dame-poétesse une jeune rockeuse cumulant les petits jobs pour subvenir à ses besoins et le héros-troubadour un parolier naïf cherchant sa voie sous la figure tutélaire d'Arthur Rimbaud dont la photo est accrochée dans son salon. Dans ce conte des temps anciens, nos héros rencontreront des fées toujours promptes à leur prodiguer des bons conseils, ces bons génies pouvant prendre les traits de vrais artistes dans leur propres rôles : ainsi de John Lydon incitant aux enfants à obéir aux règles imposées par les parents avant de  "throw the fuckin’lot of ‘em out the window" ou Patti Smith pousser Rooney Mara à se battre pour garder son mec ; mais ces veilleurs bienveillants peuvent aussi prendre l’apparence d’actrice inconnue comme cette escort poussant une Natalie Portman confuse à dissocier son esprit de son corps. 

La guerre, elle, prend différents atours : celle de l'artiste contre le système, des enfants contre leurs parents, de l’amour pour lequel il faut sans cesse lutter pour préserver une flamme vacillante ou des pulsions intérieures les plus noires qui vous emportent vers l'abime si on ne les repousse pas.
Comme Knight of Cups tourné la même année, Song to Song donne  l'impression d'être un remix halluciné de dix films d'où Malick extrairaient les moments les plus saillants pour les compiler dans une mixtape furieuse et poétique (si Song to Song était un album, ce serait Since I left you des Avalanches), mais aussi, et c’est nouveau, chaleureuse. Car si Song to Song est un récit de lutte parfois d’une infinie tristesse, c'est aussi, paradoxalement, le film de Malick le plus romantique - attendez de voir le dernier plan !-, le plus léger en partie grâce à ses acteurs, et, plus étonnant encore, le plus porté de temps à autre à l’autodérision quand par exemple Iggy Pop torse nu et verre de vin rouge à la main apparait trente secondes pour se moquer des producteurs de cinéma voulant avoir des stars de la chanson dans leurs films pour leur apporter l’énergie supplémentaire dont ils manqueraient.    

De film en film, Terrence Malick s’affirme plus que jamais, pour reprendre les deux titres que Song to Song a porté au long de sa production au long cours, sans loi (Lawless) et en apesanteur (Weightless).  Et comme chantait Carmen, « l’amour est un oiseau rebelle ».

vendredi 27 octobre 2017

FAL - THE REWRITE (à propos de Bond, l’espion qu’on aimait de Frédéric Albert Lévy)



FAL - THE REWRITE
A propos de Bond, l’espion qu’on aimait de Frédéric Albert Lévy 






Comme James Bond est célèbre sous son matricule à trois chiffres 007, Frédéric Albert Lévy, homme de lettres, est connu par les cinéphiles pour sa signature reprenant ses trois initiales, FAL. 

Pour les lecteurs de STARFIX qui ont découvert la revue dans leur prime jeunesse, FAL était le rédacteur le plus mystérieux. Le ton très professoral et très sérieux de ses textes faisait penser qu’il était plus vieux que les autres rédacteurs (ce qui était vrai, quoiqu’il n’était pas très âgé non plu, mais il avait dépassé la trentaine quand la plupart des rédacteurs en avaient à peine vingt) ; en plus d’écrire des articles il était concomitamment ou en alternance assistant à la rédaction / secrétaire de rédac’ / traducteur et adaptateur des textes en anglais (de l’anglais britannique avec son ami Tony Crawley, de l’anglais américain avec Bob Strauss). D’ailleurs, si FAL n’est pas anglais, il y a quelque chose d’indéniablement british qui émane de ses écrits, mélange de sophistication et d’humour pince sans rire. FAL doit être le rédacteur qui a le plus écrit durant les huit années d’existence de la revue, performance d’autant plus remarquable qu’il était en parallèle enseignant. Et l’on pouvait parfois penser qu’il était un « troll », comme on dit aujourd’hui en langage 2.0, dans sa propre revue. Qui a dès le numéro 2 a publié un article tiède au sujet MAD MAX alors que plusieurs textes rivalisaient de lyrisme pour saluer la sortie tardive du film ? Qui a mis 2 dans le tableau de cotation à EVIL DEAD alors que tous les rédacteurs lui mettaient la note maximale  4 ? Qui n’a jamais mis de films de James Cameron, John Carpenter dans sa liste annuelle de ses films préférés ? FAL. C’est d’ailleurs le rédacteur qui s’enthousiasmait sur les films les moins starfixien comme Le Roi David de Bruce Beresford ou Local hero de Bill Forsyth. FAL aimait même souvent défendre des films qui ne payaient pas de mine. A tel point qu’on ne fut pas étonné tant que cela que celui qui semblait être le plus érudit défendit vaillamment les films de « gros bras » et on se souvient encore de son brillant article élogieux consacré à Rocky 4. Vilipendé par la presse, cartonné jusqu’aux rédacteurs même de la revue, c’est l’homme féru de latin et de culture classique qui défendait avec ardeur le nouveau Rocky, l’œuvre qui partageait à priori le moins d’affinités possibles avec celles d’un professeur en Khâgne. Si Starfix a pu légitimer chez beaucoup de lecteurs leurs goûts, sa seule présence dans les colonnes n’était pas pour rien dans cette légitimation que la revue paraissait nous offrir. Comme si le professeur avait validé la révolte de ses élèves et les accompagnait, gardant son libre arbitre mais veillant d’un œil bienveillant au respect de l’orthographe et de la syntaxe. Contrairement aux critiques de cinéma en général fascinés par les metteurs tout puissants, il nous a toujours semblé que FAL ne cherchait pas le génie dans les œuvres (le mot génial, employé rarement sous la plume mesurée de FAL, est utilisé pour… Quantum of solace, un des Bond les plus honnis ! Troll un jour, troll toujours),  mais semblait plus sensible à une vision du monde, à l’évolution des êtres à travers le temps. Défendre Stallone et Schwarzenegger, c’était en quelque sorte raconter comment ces acteurs essayaient de se réinventer d’un film à l’autre, souvent par obligation parce que leur palette de jeu les empêchait de le faire à l’intérieur même d’un film. Il leur fallait finalement être plus subtil que les autres pour se métamorphoser. Peut-être était d’ailleurs moins l’acteur qui l’intéressait au fond que le processus de réinvention lui-même, souvent le produit d'une intelligence collective, le travail du critique étant moins de célébrer telle ou telle interprétation, que d’être celui qui mettrait en évidence ces changements. Et finalement quel autre meilleur exemple qu’un personnage qui se réinvente sans cesse d’un film à l’autre, en dehors de la contingence même de l’acteur qui l’incarne ou de l'idée même d'un auteur omniscient qui tire les ficelles, que James Bond ? 

James Bond était dans Starfix le sujet de prédilection de FAL, mais son histoire avec l’espion avait commencé bien avant, journalistiquement parlant j'entends. Bond marque en effet le début de sa carrière dans la presse, puisque son premier texte publié dans une revue professionnelle était dans la revue américaine Cinefantastique pour laquelle il publia un compte rendu du tournage de Moonraker, qui se tenait à Paris. Depuis il n’a jamais cessé d’écrire sur le sujet,  quelles que soient les publications où il officiait. FAL eut même l’extrême gentillesse  de nous offrir lorsque nous œuvrions dans un fanzine tiré à quelques exemplaires, un texte original consacré à Demain ne meurt jamais, écrit spécialement pour l’occasion. Quel plus beau cadeau de voir un des rédacteurs phares d’une revue mythique accepter d’écrire une critique rien que pour vos yeux  - et ceux d’une poignée de lecteurs ?   

Quand en 2017 un hors-série anniversaire de Starfix fut publié vingt-cinq ans après l’arrêt de la revue, FAL écrivit forcément un texte consacré à Bond. Mais il admit que Bond n’était pas forcément le cinéma qui l’intéressait forcément le plus aujourd’hui, mais que le choix d’écrire un article dédié à Bond dans cet ouvrage lui avait paru non seulement évident, mais en plus respectueux vis-à-vis des lecteurs. Ce mélange de fantaisie et de respect des règles est une des lignes directrices de son ouvrage Bond, l’espion qu’on aimait. FAL aime que les films prennent des largesses ou inventent mais à condition de ne pas oublier le cadre original, marque d’intelligence à ses yeux. Ainsi Eric Serra, compositeur de la bande-originale de GoldenEye, se verra-t-il vertement tancé pour avoir voulu être différent à tout prix en oubliant le type de film sur lequel il travaillait, fatuité n’aboutissant au final à n’être ni l’un (original) ni l’autre (efficace). Tout le contraire d’un John Barry, longtemps un des poumons de la série, arrivant sans cesse à se renouveler parce qu’il avait toujours à l’esprit le point de départ.  

FAL serait donc le John Barry de cet ouvrage. Ce qui l’intéresse, c’est la longévité d’une série entamée il y a cinquante ans, et jamais arrêtée depuis. Rien n’a stoppé le succès de Bond : ni les différents acteurs qui l’ont incarnés, ni la fin de la guerre froide qui était un des moteurs dramatiques des premiers films,  ni les mauvais épisodes, ni le fait que des James Bond plus modernes ont envahi le marché (les Mission : Impossible – version cinéma – entièrement construits autour de Tom Cruise, les Jason Bourne). Alors que Bond aurait pu devenir ringard au fil du temps, il a su anticiper les mutations, les époques, peut-être, c'est un peu méchant d'écrire cela, parce que ringard, il l’était déjà un peu au départ. Dès ses origines sur grand écran, le héros de Ian Fleming avait pris pour modèle des formules existantes (FAL rappelle tout ce que Bons baisers de Russie devait à Hitchcock), et que s’adapter à l’ère du temps était dans son ADN tout comme celui de respecter un certain nombre de règles,  comme celle, antinomique avec celle que je viens d’édicter, de ne pas non plus trop se frotter l’ère du temps quand cela devenait diplomatiquement périlleux (poussant par exemple,  les scénaristes à inventer des contrées imaginaires pour ne froisser personne lorsqu’ils s’aventuraient en dehors des conflits considérés comme acceptables –donc nommables  –) . Cette souplesse dans l’approche en veillant à chercher un équilibre instable entre tradition et modernisation fascine l’auteur toujours à l'affut des réflexions collectives derrière ce personnage toujours à réinventer.  

Contre Saint Beuve de Marcel Proust est un des ouvrages de chevet de FAL. Si cet Espion qu’on aimait  n’est pas Contre James Bond, certaines des pages les plus brillantes sont dédiées aux films les moins bons. Dans une partie du livre consacré à des notes sur des films de la série en particulier, il n’y a pas de hiérarchie : les classiques avérés tels que Goldfinger ou Casino Royale côtoient les films les plus médiocres tels que L’homme au pistolet d’or ou  Demain ne meurt jamais.  Et si les films ratés semblent intéressés  FAL autant que les réussites, c’est parce que derrière l’échec se cache toujours une tentative d’avoir voulu inventer ou essayer quelque chose de nouveau. Et souvent, selon l’auteur, telle idée ratée dans tel film se trouvera réutilisée plus tard, plus brillamment dans une œuvre ultérieure, validant rétrospectivement la tentative précédente sans qui la réussite présente n’aurait pu advenir.  Si FAL admire tant les 007, c’est bien pour ce souci d’essayer, de se rendre compte de ses erreurs, pour ensuite recommencer jusqu’à réussir. Et puis c’est parfois le temps qui valide ou non  la réussite d’une œuvre. Ainsi apprend on que Goldfinger causa l’embarras de ses producteurs  qui hésitèrent même à le sortir quand il fut finit, pensant même attendre qu’un autre épisode soit tourné et distribué pour ne pas risquer d’égratigner une franchise en devenir. Raison de ce rejet : une histoire dans laquelle le héros ne fait en fait pas grand-chose et n’a aucune prise sur les événements. Selon FAL, ses créateurs avaient tout à fait raison dans leur analyse, mais ils avaient peut-être manqué leur conclusion : en faisant de ce film une métaphore du processus cinématographique dans laquelle Bond est spectateur des événements, il venait de créer une sorte d’Invention de Morel. 

Ceux qui lisent régulièrement ses textes n’apprendront rien en me lisant, mais il n’existe pas d’écrivain plus dialectique que FAL. Ses textes regorgent de conjonctions de coordinations visant à apposer des nuances à ce qui vient d’être énoncé. Souvent un même paragraphe peut énoncer  une thèse, son antithèse et sa synthèse. C’est d’ailleurs une des choses stimulantes quand on le lit, ce sens didactique à vous expliquer son point de vue sans vous brusquer. Si vous pensez une chose avec laquelle FAL n’est pas d’accord, il ne vous dira pas « Vous avez tort ». Il vous répondra plutôt : « Vous avez tout à fait raison, mais vous n’avez pas poussé les conclusions de votre réflexion assez loin, vous vous êtes arrêtés trop tôt ». L’ouvrage regorge d’exemples de ce genre, je dirais même plus, chaque page est entièrement construite sur ce modèle dialectique.

Bond, l’espion qu’on aimait est un livre à la forme hétérogène. S’il rassemble plusieurs décennies de réflexion sur le personnage, ce n’est pas pour autant une somme monumentale ayant la prétention d’être exhaustive : l’ouvrage fait moins de 300 pages et beaucoup de sujets amusants liée à Bond sont survolés (les gadgets, les James Bond girls), ou plutôt intégrés quand c’est nécessaire dans la matière du texte. Ceux ne sont pas non plus 300 pages écrites d’une traite, comme une synthèse à tous ces articles rédigés à travers le temps. Le livre mélange des textes publiés au fil du temps, parfois complètement réécrits à l’aune des œuvres postérieures, parfois pas. La structure elle-même n’est pas académique : la moitié de l’ouvrage est une étude globale de Bond ; une deuxième partie laisse la parole à quelques cinéastes s’exprimant sur leur rapport à Bond (quitte à n’avoir rien à en dire, cf. Philippe Labro – mais c’est la marque de la fidélité de FAL que d’entretenir des conversations avec certains individus qu’il apprécie de longue date) ; la troisième consiste en des notes sur quelques films. Il semblerait que l’ouvrage ait été au départ pensé comme un recueil, mais l’auteur a unifié le tout quitte à revoir de larges parties des textes. Si FAL aime bien raconter les mutations de Bond, son ouvrage est lui-même le résultat de ses réflexions à travers le temps. Un palimpseste dont on pourrait parfois lire les textes du passé en l’état et à d’autres moments, les parties réécrites aujourd’hui qui masqueraient les versions antérieures. Ce sont différentes strates de temps qui cohabitent tout au long du livre et lui donnent ce relief si particulier.  

C’est sans doute pour cela qu’il nous semble au final que cet ouvrage est moins consacré à Bond qu’à l’auteur lui-même, bien que cela soit totalement masqué. Non pas que FAL abuse du « je », rassurez-vous, l’auteur est trop subtil pour cela : il n’y a pas une ligne de cet ouvrage qui ne soit pas dédiée à James Bond. Non pas non plus que FAL se prenne pour James Bond, mais ses réflexions sur la réinvention du personnage l’amène à passer en revue son monde à lui : sa passion pour la culture anglo-saxonne l’amène à questionner le supposé caractère  « anglais » de Bond, son intérêt pour la langue française et la traduction l’amènent à écrire quelques lignes brillantes sur ce qui a pu se perdre entre la version originale et leur traduction, sa passion proustienne lui montre comment chaque nouveau Bond donne une image encore plus forte des Bond du passé, à l’image de la fameuse madeleine,  qui ne ramène pas seulement à l’enfance, mais donne rétroactivement à la madeleine de l’enfance un pouvoir quasi magique de remémoration des lieux qu’elle n’avait évidemment pas à l’époque. C’est la  répétition du même événement qui crée soudainement ce passage temporel vers le passé, comme un pont dont il faudrait que les pieds à chaque extrémité soient identiques. Mais de ce pont, c’est moins l’enjambement (le bond ?) qui intéresse FAL, que la circulation entre ces deux points. Bond l’espion qui m’aimait est un ouvrage très personnel parce qu’à travers ces réécritures successives du personnage se pose la question qui ne cesse de hanter FAL non seulement dans son oeuvre littéraire mais aussi dans sa vie - il n'a pas été prof pour rien -, celle de la transmission. 

A titre personnel, quand j'étais adolescent, il y a eu des critiques de cinéma dont la plume me faisait fantasmer sur le mode mimétique « j’aimerais tellement aimé écrire pareil ». Devant un texte de FAL je ne me suis jamais fait cette remarque : par contre, j’ai toujours appris quelque chose et j’ai toujours eu l’impression d’en savoir plus après l’avoir lu, qu’avant (ce qui n’est bizarrement  pas forcément le cas avec les critiques les plus brillants qu’on admire parfois mais devant lesquels on se sent comme les singes de 2001 devant le monolithe, fasciné mais sans trop savoir quoi faire de ce sentiment). FAL écrit d'ailleurs toujours beaucoup sur le cinéma, mais aussi la littérature, la langue française, l'enseignement,  le latin, Tite Live et tous ces sujets ou ces domaines qu'on retrouve à la lecture de Bond, l’espion qui m’aimait. C'est un ouvrage érudit mais toujours facile à lire, intelligent, souvent drôle, devant lequel on ne sent jamais écrasé, mais au contraire qui vous pousse à chaque ligne à affuter votre réflexion, face à Bond en particulier, mais surtout de façon générale, dans la vie. 

L’humilité de ce livre est cristallisée dans une dernière partie très brève dans laquelle FAL demande à un jeune cinéphile de 8 ans, un certain William, de répondre à un questionnaire Bond type : il lui pose ces questions qui arrivent toujours sur la table quand on évoque entre amis l’espion britannique,  mais qui n'avaient par définition par leur place dans un ouvrage englobant et unificateur: quels sont ses épisodes préférés ?  et ses gadgets  favoris ? ce genre de choses futiles et amusantes mais en contradiction avec le projet littéraire…  Il est précisé dans la courte introduction à cet épilogue que le petit William n’a pas encore vu tous les James Bond, ses réponses seront par conséquent en fonction de ceux qu’il connaît. Ce chapitre symbolique me semble être un passage de relais vers les générations suivantes, ces « jeunes »  qui ne savent pas encore tout (lapalissade qu’il est bon de rappeler tant la condescendance des adultes vis-à-vis de leurs cadets  me semble toujours omniprésente – surtout depuis que je suis moi-même devenu « vieux ») et qui doivent encore et toujours apprendre. Il y aura toujours plus à connaître, pour les enfants comme les adultes, et même, il se peut bien que Bond nous survive, amenant des générations futures à jeter un éclairage sur les épisodes passés encore différent. Qui sait ? 

Au milieu des remerciements, à la fin de l’ouvrage, il y a celui-ci, pas plus mis en valeur que les autres, dans lequel l’auteur remercie « le personnel de l’hôpital Georges-Pompidou et [le]  Dr Hervé Gompel, qui m’auront permis de mourir un autre jour ». Propos intime livré brutalement, jeu de mot bondien, réflexion angoissée sur la tragédie de la condition humaine – la mort est inéluctable mais la vraie malédiction est de ne pas savoir quand -  présentée sous la forme d’un trait d’humour, forme brève et lapidaire rendant le fond plus vertigineux encore. Quelque part au milieu de la page des remerciements, cette page que le lecteur ne sent pas forcément obligé de lire, tout est dit. 

Ou plutôt non, rien n’est dit.   

Tout est à revoir, repenser, reconsidérer, soi-même ou par d’autres qui le feront après nous. L’homme disparait. Mais ses idées, sa vision du monde, elles peuvent encore transmigrer. Et tout à chacun peut lui aussi inventer, quitte à devoir se réinventer. Si le titre de l'ouvrage se conjugue au passé, il nous aide à mieux penser le futur. 


**** 
Editions Hors Collection

Le titre de cet article, THE REWRITE, est emprunté au joli film de Marc Lawrence avec le britannique Hugh Grant. Un film sur l'enseignement, évidemment.




mardi 17 octobre 2017

Ana de Armas & Licornes



Avant de jouer dans Blade Runner 2049, la belle Ana de Armas s'amusait déjà avec une licorne dans Exposed (2016), un (faux) thriller avec Keanu Reeves qui a connu beaucoup de problèmes de production.


vendredi 13 octobre 2017

10 scènes préférées de TWIN PEAKS saison 3


- Les Chromatics interprétant SHADOW (épisode 2).


- Ella (Sky Ferreira) se grattant les aisselles pendant le set de Hudson Mohawke (épisode 7).




https://www.youtube.com/watch?time_continue=37&v=MkMRYgZV5AM



- La dernière apparition d'Audrey. La coupe la plus saisissante de toute la série (épisode 16).


- Freddie et le gant magique (épisode 14).



- Sam et Tracey attaqués par la créature surgissant de la boite de verre (épisode 1)


- Gersten adossée à un arbre recouvert de mousse après que Steve ait disjoncté et mis fin à ses jours (épisode 15)




- Ruby, victime de deux molosses, rampe au sol avant pousser un cri primal pendant que The Veils hurle The Axolotl (épisode 15).


- Richard Horne agressant une jeune fille au son de "Snake Eyes" de Trouble" (épisode 5)


- Sophie et Megan évoquent Billy (épisode 15).


- Pause clope (épisode 11)





mardi 18 juillet 2017

Beaune santé !







Faisant se croiser une trentaine de personnages dans la ville de Beaune durant quelques jours, Lelouch dresse un portrait amusé de l’être humain et ses passions. Le côté ligne clair du récit, son unité de lieu (Beaune) et de temps (la durée d’un festival de musique), n’est pas sans évoquer « Les bijoux de la Castafiore » de Hergé. 

Pourtant, Claude Lelouch a dépassé les 77 ans, l’âge maximal des lecteurs du petit reporter selon la formule consacrée, et derrière la fantaisie et les couleurs, se cache une dimension testamentaire. De nombreuses scènes se déroulent à hôpital, le cancer est omniprésent, la mort rôde. Mais Claude Lelouch, en homme de spectacle, préfère continuer de s’amuser de ce manège enchanté que peut être la vie, combien même devra-t-il s’arrêter après quelques tours (mince, je sors des métaphores à la Lelouch).

Aussi organise-t-il un grand feu d’artifice où la seule règle est qu’il n’y en ait aucune. Comédie, drame, amour, comédie musicale, captation de concerts, Lelouch ne choisit aucun genre et prend tout. N’hésitant pas à être graveleux, ne craignant pas le mauvais goût, n’ayant aucune peur de passer pour un homme du passé n'entendant rien aux mutations de la société, ne cherchant surtout pas à dissimuler une vision profondément réactionnaire voire misanthrope du monde, Lelouch réalise un film réussissant l’exploit d’être dans le même temps funèbre et potache, comme s’il avait choisi de griffonner ses dernières volontés sur les cartes de blagues de cul que Jean-Marie Bigard se délecte à lire à ses patients pour leur redonner le sourire. Film de vieux fou, Chacun sa vie nous l'a pourtant redonné aussi.