lundi 10 mars 2014

Chris Marker vu par Kim Chapiron





Entretien avec Kim Chapiron. Le voisin.

Fondateur avec Romain Gavras du collectif mal élevé Kourtrajmé, il a depuis réalisé le délirant Sheitan et le puissant Dog Pound. En 2014 sortira son nouveau film, La crème de la crème.
En 1986, j’avais six ans, j’ai emménagé dans un immeuble à Paris avec mes parents, et Chris Marker habitait là, au premier étage. Avant de connaître ses films, je l’ai donc connu comme un voisin, un voisin collectionneur de hiboux et de chats. C’était un personnage de l’immeuble.
En grandissant, il est devenu un guide incroyable. J’allais souvent chez lui avec Romain [Gavras] lui emprunter des cassettes, notamment de films fantastiques. Je l’ai rencontré souvent dans les années 90, à l’époque où est sortie Level 5. Moi j’essayais de comprendre le film, avec mes armes de jeune garçon.
Avec Romain, nous avons commencé à tourner des courts métrages et nous lui montrions. Il était exigeant mais encourageant. Par contre, il nous renvoyait à la figure nos courts-métrages violents ou préférait ne rien dire. Il était plus sensible à ceux avec de l’humour. Mais il était toujours bienveillant malgré nos provocations, bienveillant comme le sont ses films.  Je m’en souviens comme d’une très belle période. Il était ouvert à la discussion, on pouvait rester des heures chez lui à parler. Il était d’une culture impressionnante, avec beaucoup de références que souvent nous ne connaissions pas. Une montagne de savoir mais il faisait passer les choses en douceur, avec le souci d’apprendre. Et nous avions ce désir d’apprendre. Nous étions très impressionnés et je me souviens qu’avant de se rendre lui, nous savions que nous allions passer un moment privilégié.
Le film de lui qui m’a le plus marqué fut Le fonds de l’air est rouge. Ce traitement des couleurs, cette façon d’analyser l’information, ne jamais figer les images. Depuis, dans tous mes films, je case une scène où les personnages regardent ce film. Ce sera d’ailleurs le cas dans le prochain.
Une chose qui m’a marqué dans ce qu’il m’a dit c’est ce que si on mettait des choses très personnelles dans ses œuvres, on touche forcément des gens. Un détail, insignifiant pour la plupart du monde, trouverait un jour une résonnance auprès d’un spectateur.
C’est très bien qu’avec cette exposition et ses sorties DVD les gens découvrent ses œuvres. Moi-même je n’ai pas tout vu. On est  à l’heure où on met les artistes en avant, parfois plus que leurs créations. Chris a toujours voulu se protéger de cela, même s’il avait un rapport ludique avec son œuvre.

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