mardi 28 janvier 2014
Un film rêvé
Tu te plonges dans les images du cinéma pour oublier les murs blancs qui t’entourent. Tu énumères les photogrammes mentalement, ils défilent verticalement comme la pellicule devant le projecteur, c’est ton esprit qui fait office de faisceau lumineux, projetant sur l’écran de ta mémoire les corps qui s’animent. C’est un film qui n’existe pas qui prend forme, une forme informe, composée de centaines, de milliers de moments prélevés dans les films vus par le passé. Quand tu les voyais ces films, tu ne savais pas encore que des années plus tard ils seraient encore en toi, ayant autant de puissance, soyons honnête avec nous même, plus de puissance, que tant de choses vécues et si évanescentes. D’aucuns tracent une frontière imperméable entre ce que l’on ferait dans la vie, et ce qu’on vivrait au cinéma qui ne serait en fait qu’un rêve, c'est-à-dire irréel. Certaines images résonnent pourtant plus en cet instant que des tas d’événements s’étant réellement produits, de centaines d’heures de conversation avec des amis. Oui tout ceci a peut être bel et bien existé, mais quelle trace en garde-t-on vraiment ? Un souvenir lointain, une idée brumeuse, peu de choses en fait. Un petit rien. Les images des films elles restent et pénètrent l’esprit pour s’y imprimer, y imposer leur empreinte. Une empreinte c'est-à-dire une marque en creux, la trace que l’image est passée, y a déposé sa forme par le vide (en négatif), puis s’est évaporée. Donc cette créature pelliculaire au montage abrupte et dénué de toute absence de logique est pourtant le plus beau des films, celui maladroitement composé comme un cadavre exquis aux collures maladroites et au rythme incertain.
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