mercredi 8 février 2012

Le souvenir d'un avenir (Marker, Bellon) DOSSIER DE PRESSE





Ci-dessous le contenu du dossier de presse du SOUVENIR D'UN AVENIR, édité par Les films de l'équinoxe, producteur du film.




Le Souvenir d'un avenir


parti pour ne plus revenir

et n'étant plus que pour moi-même
le souvenir d'un avenir
qui s'était cru d'espèce humaine

Claude Roy

Essai filmé sur l’art du photographe à partir des archives de Denise Bellon (1902-1999)

pour Claude et pour Loleh

 

Il ne s’agit pas ici d’un « film d’art », ou d’une exposition de photos sur banc-titre.

Notre propos, en nous appuyant sur les archives (environ 25 000 négatifs) d’une photographe, Denise Bellon, est d’essayer d’analyser la façon dont nous percevons une photo déjà ancienne. Car nous pensons que le regard sur une photo qui a quarante ou cinquante ans (et à plus forte raison sur une photo vraiment ancienne) est tout à fait différent du regard que nous portons sur une photo du jour.

La photo qui a déjà de l’âge déroule, entre elle et nous, entre l’image et le présent, une durée implicite. Un cliché de l’exposition de 1937 montrant face à face le pavillon soviétique et le pavillon allemand, la faucille et le marteau face à la swastika, en 1937, c’est un instantané. Regardé en l’an 2000, nous y ajoutons inconsciemment, la guerre de 1939-40, le pacte germano-soviétique, l’invasion de la Russie en 1941, la chute du mur de Berlin, etc. Nous portons sur une photographie d’il y a dix ou cinquante ans un regard qui est celui que les religions prêtent à l’Etre omniscient, qui voit le passé, le présent et l’avenir, le regard de Dieu, en somme.

Dans les dizaines de milliers de contacts des archives de Denise Bellon, nous avons retenu un certain nombre de thèmes et organisé une construction, dont nous ne pouvons et voulons donner ici que des échantillons, suggérer la tonalité et la couleur affective.

La première partie du film nous montre les images du Paris des années trente, images souriantes et pacifiques.

Mais petit à petit les yeux de la jeune photographe se sont ouverts, par ce qu’elle a vu dans ses voyages et son travail, et sous l’influence d’un groupe d’amis, les surréalistes, qui ne se bornent pas à annoncer les désastres à venir, mais en mettent à nu les causes, en détruisant les racines.

Peu à peu la vision de l’artiste se fait plus pénétrante et plus cruelle (parce que de plus en plus véridique. Elle a appris qu’il ne suffit pas de réfléchir les images comme un miroir, mais qu’il faut aussi réfléchir sur elles, que la réalité a toujours des faces multiples, un endroit et un envers, que Paris, ce sont les jolies femmes vêtues par les grands couturiers et les belles voitures de luxe, mais aussi la zone et les bidonvilles, les pouponnières modèles, mais aussi les Gueules cassées, vestiges vivants et effrayants de la guerre, la triomphale Exposition de 1937, mais aussi la prostitution, la pauvreté, la misère.

Car le secret de l’art de la photographie, c’est quand le photographe lui-même a appris à lire l’avenir dans les images qu’il moissonne au présent.

La séquence suivante organise la matière des grands voyages effectués avant la guerre par Denise Bellon : Maghreb, Afrique Noire, Finlande, Pays Baltes.

Parcourant l’Afrique Noire, Denise Bellon nous fait entrevoir l’avenir réel, les révoltes qui vont conduire, par les chemins des insurrections et les guerres coloniales, les colonies à secouer la domination de leurs maîtres. Plus tard en Finlande, ce qu’elle entend monter de l’horizon, ce sont des bruits de botte et le tonnerre des bombardements. Et en effet, ce qui attend la photographe à son retour en Europe, c’est la guerre. Une drôle de guerre. Qui aurait cru que faire la guerre, pour une grande nation, cela consistait à demander à chacun de se faire chiffonnier, à ramasser la vieille ferraille, les vieux papiers, les vieux chiffons, à proclamer « Avec notre ferraille, nous forgerons l’acier victorieux » ?

Cette mobilisation du bric-à-brac, cette campagne de France des déchets, est-ce que cela peut remporter une victoire ? Malgré les élégants uniformes de brillants militaires de propagande, malgré les volontaires américains de l’American Feld Service, le rempart de ferraille et de vieux chiffons ne contient pas l’armée allemande.

Le Maréchal-Ferrand de nos villages redevient sous Pétain un personnage important de la vie quotidienne. Faute d’essence on se contente de chevaux et de gazogènes.

Une ville d’eau est devenue la capitale dérisoire d’une moitié de la France.

La pénurie fait disparaître les aliments et apparaître les cartes d’alimentation. Les petits métiers fleurissent à nouveau dans l’infortune. On raccommode, on rempaille et bricole, on rafistole et recolle, on se débrouille comme on peut, et on ne peut pas grand chose, on ne peut pas beaucoup.

On cache les trésors précieux, que ce soit les films que Henri Langlois amasse dans sa baignoire, cinémathèque de fortune, ou un peu de la toison des moutons, qui deviendra ce trésor, un fil de laine.

Comme nous nous rapprochons du présent, l’écart entre l’immédiat de l’image photographique et son futur diminue. Si nous poursuivions jusqu’à l’instant où le film est en train de se réaliser, cet écart disparaîtrait presque entièrement.

Paris est enfin libéré du froid, de la faim, de la pénurie. Il y a encore des queues dans la rue et dans les école des enfants rachitiques. Pas plus que les rivages de la France ne sont encore libérés des mines, ni les ports des épaves de navires coulés, ni les fleuves de France des ponts à demi détruits qu’il faut déblayer, ni les villes et villages des ruines de la guerre.

La vie pourtant reprend. Les vieux amis se sont retrouvés après des années de combat, de captivité, de déportation, d’exil. La jeune photographe a retrouvé André Breton et Jacques Prévert, Brauner, Yves Tanguy et Toyen, Henri Langlois qui peut sortir ses bobines de leurs cachettes. Elle a retrouvé aussi André Masson, qui reprend son travail en France après l’exil américain. Elle a lié amitié avec Joseph Delteil et fait la connaissance de nouveaux visages du théâtre et du cinéma, de Jean-Louis Barrault à Gérard Philipe, de Serge Reggiani à Roger Blin. Elle a rencontré Joë Bousquet et André Gide, Picasso et Pagnol. Mais elle a surtout exploré sans relâche les gens de tous les jours, les acteurs ordinaires de la vie ordinaire…Paysans de la Drôme…Passants des rues de Paris…Tailleur de pierre à Montpellier…Marins de Marseille et pêcheurs de Sète…Ménagères et institutrices…Elle a écouté les pêcheuses d’Oléron et les travailleurs de l’usine communautaire de Valence et les mineurs de l’Aude, les paysans et l’Hérault et les montagnards des Pyrénées.

Elle a vu dans sa vie de femme et de photographe, beaucoup de pays et beaucoup de paysages, des pays très beaux et des paysages magnifiques. Elle en a vu et photographié de toutes les couleurs et de tous les genres. Mais quand elle feuillette les classeurs où est engrangée la moisson d’images de sa vie elle se demande si le plus beau et le plus varié des paysages de la terre, ce n’est pas le visage humain.

Yannick Bellon
Chris Marker



HISTORIQUE
En 1990, le projet de documentaire autour de l’oeuvre photographique de Denise Bellon voit le jour. Intitulé Arrêt sur image, la réalisation, à partir d’un texte de Claude Roy lu par Loleh Bellon, est confiée à Yannick Bellon. La production se met en route sous les auspices des films de l’équinoxe. Un important travail à partir du Fonds Denise Bellon (environ 20 000 négatifs de 1937 à 1956) est engagé. Tirages et sélections sont effectués avant le banc-titre.

La production des films de l’équinoxe met alors en chantier L’Affût, qui sort en février 1992. Mal distribué, le film est un échec public qui met en péril la poursuite de la production de Arrêt sur image. Puis disparaissent Claude Roy, Loleh et Denise Bellon. En 2001, Yannick Bellon décide de reprendre la réalisation du film, sous une autre forme, avec Chris Marker pour co-auteur. La structure du film est en cours de réécriture, le support de tournage est modifié (Vidéo au lieu de 16 mm). Un nouveau titre, inspiré de Claude Roy, est retenu : Le Souvenir d’un avenir



Les filmographies ont été validées par leurs auteurs, notez celle de Chris Marker, succinte car expurgée d'une grande partie de ses oeuvres. Ont disparu tous les films tournés entre 1952 et 1962 (excepté Les statues meurent aussi), ainsi que Le mystère Koumiko, Si j'avais quatre dromadaires, 2084 et d'autres "bricoles". Le cip vidéo GET AWAY WITH IT d'Electronic, pourtant à peine exploité et encore, dans une version qui n'était pas celle voulue par Marker, est mentionné.       


Les auteurs

Chris Marker

Après un certain nombre de longs (Le Joli Mai - 1962, Sans Soleil - 1982) et courts
(La Jetée - 1963, Junkopia - 1981) métrages, ainsi que de documentaires destinés à
la télévision (L'Héritage de la Chouette - 1989, le Tombeau d'Alexandre - 1993) Chris Marker, s'est tourné vers les nouvelles technologies .

Une installation multimédia, Silent Movie, réalisée pour le Centenaire du Cinéma, circule aux Etats-Unis depuis 1995 (Wexner Center à Columbus, Musée d'Art Moderne à New York, Musée d'Art Contemporain à Los Angeles, etc...). Le film Level Five (1997) est le dernier état de cette recherche.

Depuis, Chris Marker a conçu et édité un DVD-ROM : Immemory.

Filmographie

Longs et moyens métrages

1962 -LE JOLI MAI
1966 -SI J'AVAIS QUATRE DROMADAIRES
1974 -LA SOLITUDE DU CHANTEUR DE FOND
1977 -LE FOND DE L'AIR EST ROUGE
1982 -SANS SOLEIL
1985 -AK
1996 -LEVEL FIVE

Courts métrages

1962 -LA JETEE
1969 -LE DEUXIEME PROCES D'ARTUR LONDON
1973 -L'AMBASSADE
1981 -JUNKOPIA

Télévision

1989 -L'HERITAGE DE LA CHOUETTE
1990 -BERLINER BALLADE
1993 -LE TOMBEAU D'ALEXANDRE
1993 -LE 20 HEURES DANS LES CAMPS
1995 -CASQUE BLEU
1999 -UNE JOURNEE D'ANDREI ARSENEVITCH
2000 -UN MAIRE AU KOSOVO

Multimedia

1978 -QUAND LE SIECLE A PRIS FORMES
(dans l'exposition PARIS-BERLIN au Centre Pompidou)
1990 -ZAPPING ZONE
(dans l'exposition PASSAGES DE L'IMAGE au Centre Pompidou)
1995 -SILENT MOVIE

CD-Rom
1998 -IMMEMORY

Clip vidéo
1990 -GETTING AWAY WITH IT (London -Group Electronic)

Co-réalisation

1950 -LES STATUES MEURENT AUSSI (Alain Resnais)
1968 -A BIENTOT J'ESPERE (Mario Marret)
1968 -LA SIXIEME FACE DU PENTAGONE (François Reichenbach)
2001 -LE SOUVENIR D'UN AVENIR (Yannick Bellon)- En cours.


Yannick Bellon

Née Marie-Annick Bellon, à Biarritz, le 6 avril 1924.
Assistante-monteuse de Myriam pour Paris 1900, de Nicole Vedrès.
Assistante de Denise Tual pour Ce siècle a 50 ans.

De 1947 à 1963, alternance de montages et réalisations de courts-métrages pour le cinéma.
De 1959 à 1962, montage de trois longs métrages de Pierre Kast pour le cinéma, « Le Bel âge »,
« La Morte saison des amours », « Vacances portugaises ».
1947 - Montage « Rondo sur la piste » de Maurice Henry
Montage « Transports urbains » de M. Gibaud
Montage « La Cathédrale » de Béranger
Montage « Toulouse-Lautrec » de R. Hessens
Montage « Versailles et ses fantômes » de Béranger
Montage « Les Petits mystères de Paris » de P. Goult
1948 - Réalisation de « Goémons »
1950 - Réalisation de « Colette »
1951 - Réalisation de « Tourisme »
1952 - Montage de l’un des sketchs du « Rideau cramoisi » de Alexandre Astruc
1953 - Montage de « Au coeur des Alpes » de Mildred Courtot
Montage de « Pastorale interrompue » de Mildred Courtot
Montage de « Quatre hommes et une marquise » de J.K. Raymond-Millet
1954 - Montage de « Les Hommes oubliés » de Vuilleminot (primé au Festival de Tours)
Réalisation de « Varsovie quand même »
1956 - Réalisation de « Un matin comme les autres »
1958 - Réalisation de « Le Second Souffle »
1960 - Réalisation de « Zaa, petit chameau blanc »
1962 - Réalisation de « Le Bureau des mariages »
1963 - Réalisation avec Jean Salvy, de « Main basse sur Bel », court-métrage de commande,
scénario de Jacques Lanzmann. Avec Alain Cuny, Michel Robin, Nicole Ionesco.
1964 - Travaux de montage au Service de la Recherche de Pierre Schaeffer.
1965 – TV : Montage de « Naissance de l’Empire Romain », émissions réalisées par Pierre Kast.
TV : Réalisation de « Cécile Sorel ». Texte de Henri Magnan, dans le cadre de l’émission « Pour le Plaisir », de Roger Stéphane.
TV : Réalisation avec Nicolas Bataille, de « Bons baisers, à bientôt » dans le cadre de l’émission « Pour le Plaisir » de Roger Stéphane.
1965 à 1967 - TV :Réalisation mensuelle de l’émission « Bibliothèque de poche » produite par Michel Polac.
1967 – TV : Réalisation de « Charles Baudelaire, la plaie et le couteau ».
1969 – TV : Réalisation de «Anatomie de Los Angeles », texte de Michel Butor dans le cadre de l’émission « Point-Contrepoint » produite par René Puissessoy.
1970 – TV : Réalisation de « Venise », texte de Pierre Gascar, dans le cadre de l’émission « Point-
Contreproint » produite par René Puissessoy.
1973 – TV : Réalisation de « Brésiliens d’Afrique, africains du Brésil », scénario et textes de Pierre
Verger.

Puis les réalisations de 8 longs-métrages de fiction, avec un seul intermède télévision : le documentaire « Evasion » qui précède « Les Enfants du désordre » et l’annonce en présentant les personnages qui interviennent dans le film futur.




La boutique des Films du paradoxe, dans le passage Véro-Dodat, à Paris


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