samedi 13 mars 2021

A l’ombre des jeunes filles en fleurs du Mal

 


coup de coeur L’ombre d’Emily

Paul Feig est un des grands cinéastes-portraitiste de la Femme. Si tout le monde lui reconnait son talent à diriger les comédiennes et salue son féminisme militant, son talent d’artiste à capturer la beauté florentine de ses égéries est sans doute insuffisamment célébré.

En la matière, il est tout aussi aussi génial que, disons, Pedro Almodovar. Cette comparaison n’est pas innocente, et plus d’une fois, devant L’ombre d’Emily, on se prend à penser que ce thriller sardonique et bariolé aurait pu être le premier film américain du cinéaste espagnol. Paul Feig partage avec lui cet amour des valeurs chromatiques vives pour représenter les émotions les personnages, un fétichisme tout hitchockien ouvrant les portes de l’inconscient et un attrait obsessionnel pour les décos d’intérieur stylées, miroirs diaboliques de la psyché de ses héroïnes retorses. Quant à la bande-son contrapunctique, constituée de chansons de variété française (de Zaz à Françoise Hardy en passant par Orelsan ou Brigitte Bardot), elle ajoute une touche d’exotisme caliente à ce cocktail déjà bien frappé – une métaphore appropriée puisque vous aurez même droit au cours du récit à la recette d’un martini réussi. L’ombre d’Emily est un film du temps des réseaux sociaux et les tutos ne sont pas oubliés.

La Hit Girl Anna Kendrick incarne une maman célibataire, parent d’élève avec le cortège de génance que ce statut amène, qui se voit offrir l’amitié inattendue d’une mère en tout point différente : Blake Lively, sublime en styliste chaussée en Louboutin, arrogante et alcoolique mondaine, pour qui la maternité est tout au plus le seul colifichet de sa garde robe. Lorsque celle-ci disparait du jour au lendemain laissant son bambin sur les bras d’Anna, la vlogeuse culinaire nunuche se transforme en Nancy Drew astucieuse pour résoudre l’énigme et retrouver Emily. Un pitch parfait.

Les deux actrices ont rarement été aussi bien mises en lumière : il faut voir l’ultra-expressive Anna Kendrick rapper à base de popopop au volant de sa voiture ou raconter naïvemement à sa nouvelle-meilleure-amie une expérience intime que la morale réprouve, ce qui lui vaudra en retour d’être affublée par sa copine subitement vacharde d’un sobriquet hilarant. Il faut voir Blake Lively moquer les conventions sociales avec une morgue euphorisante ou déambuler suavement dans un cimetière en costumes trois pièces, cravate satinée, nue sous ses vêtements, et accessoire indispensable pour se promener au milieu des tombes, une canne de marche surmontée d’un crane argenté. La classe.

L’ombre d’Emily, c’est drôle, c’est méchant, c’est sexy, c’est original, c’est coloré, c’est prenant et surprenant. Paul Feig + Anna Kendrick + Blake Lively. Un garçon, deux filles et les possibilités s’ouvrent à l’infini.  

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