mardi 31 janvier 2017

"James Cameron - L'odyssée d'un cinéaste " de David Fakrikian (livre)






 « L’odyssée ». Le choix de ce terme pour titrer sa monographie consacrée à James Cameron, curieusement la première en France, donne une clé pour comprendre la façon d’appréhender cet ouvrage. Le cinéaste est l’Ulysse de notre Homère national, David Fakrikian. Comme dans l'épopée grecque, son héros devra vaincre mille péripéties, plus ou moins fantastiques et affronter des adversaires, notamment des (producteurs) cyclopes par légion. L’odyssée de James Cameron est une chanson de geste couleur marine destinée à mettre en valeur les exploits de son héros et le style alerte de l’auteur vous emporte dès les premières pages. C’est un ouvrage palpitant à lire, un super roman d’action, et d'une érudition à toute épreuve. Quant au modeste "un cinéaste" du sous-titre, c'est évidemment une litote puisque pour David Fakrikian, Cameron est LE cinéaste. 

Dans l’avant-propos, l’auteur explique que les informations distillées tout au long de l'ouvrage proviennent d’interviews parues tout au long de la carrière de Cameron, archivées méthodiquement toutes ces années, ainsi que de témoignages de collaborateurs plus ou moins proches recueillis par l’auteur au fil du temps. Autant dire que cette somme est la synthèse de trente années de passion de la part de David Fakrikian, le fan N°1 de James Cameron en France.  Ne nous leurrons pas : ici, c’est la légende qu’on imprime ;  ce qui change un peu des biographies l’anglo-saxonne qui vendraient père et mère pour démonter les génies, pointer leurs contradictions ou les ramener à leur simple condition terrestre. Tous les moments célèbres de la geste cameronnienne sont donc bels et bien là avec le souci de leur donner cette forme qu'on appelle le destin : Cameron qui pénètre dans la salle de montage de Piranhas 2 pour remonter son film dans le dos des financiers ; Cameron qui insulte régulièrement sur son plateau les producteurs venus lui demander des comptes ; Cameron qui manque de se noyer sur le tournage d’Abyss, Cameron affrontant  les rumeurs de désastre à venir durant l’interminable post-production de Titanic. Pour Fakrikian, Cameron sera de tout temps cet esprit libre et combatif luttant pour parvenir à être à la hauteur de son imaginaire. Même après qu’il se fut couronné « Roi du monde ». 




Parfois, David Fakrikian n’a pas peur d’emprunter quelques raccourcis. Au milieu des années 1980, Cameron qui n’était pas encore le prophète de notre temps était souvent démoli par la presse. Fakrikian, pour illustrer la sottise de ses détracteurs, cite une diatribe au lance-flamme de Frédéric Mitterrand contre Aliens, le retour accusant le film d'apologie guerrière en se cachant derrière des ennemis extraterrestres pour montrer que l'ennemi, quel qu’il soit, n'a aucune humanité (à cette même époque, Cameron venait de co-signer le scénario de Rambo 2). Mais bizarrement, aucune référence à la revue Starfix dans laquelle Christophe Gans et Bernard Lehoux s’en étaient pourtant pris à Terminator et à Aliens avec des arguments pas si éloignés, même si formulés de façon moins virulente. Idem pour Titanic. Quand le film sort, c’est un succès public ET critique, pourtant Fakrikian arrive à vous faire un paragraphe sur la critique négative de Kenneth Turan (intitulée "Titanic sinks again") à laquelle Cameron se crut obligé de répondre. C’est le pêché mignon des geeks: longtemps minoritaires ou déconsidérés, quand ils ont eu le pouvoir entre leurs mains, ils en ont venu à considérer que tout ce qui leur résistait ne devait plus avoir droit de citer. On ne critique pas le Roi. 

Dans le même ordre d’idée, on peut regretter que Fakrikian n’explore pas plus les contradictions ou les aspects moins reluisants de la personnalité de Cameron. Personnellement, une scène en particulier m’a toujours dérangée dans sa filmographie, jusqu’à jeter un voile sombre sur le sens de son intransigeance légendaire. Elle se trouve dans True Lies. Il s’agit de l’humiliation du personnage de Bill Paxton par Harry Tasker (Arnold Schwarzenegger). Paxton incarne un vendeur de voitures un peu miteux qui, pour séduire la femme de Tasker (Jamie Lee Curtis), lui fait croire qu’il est lui-même un agent du gouvernement. La dame délaissée par son mari se laisse vaguement approchée avant que Monsieur n’intervienne et ramène le pauvre Bill Paxton à sa condition de menteur, d’affabulateur, de parasite. Pour lui donner une leçon, Harry Tasker menace de l’assassiner jusqu’à ce que le pauvre hère s’urine dessus, provoquant l’hilarité d’Arnie. "Would a spy pee himself ?". En lisant le livre de Fakrikian, je ne peux m'empêcher de me demander si cette supposée toute puissance de Cameron ne cache parfois un mépris insupportable pour tout ce qui serait de l’ordre de la faiblesse, du ratage ou de l’échec.

Bref, revenons à nos moutons (électriques). La métaphore est un peu évidente, mais Cameron sous la plume de l'auteur, c'est Terminator, celui du deuxième film, une sorte de figure paternelle forte doublée d’un bloc de pure fascination. Et dans cette hypothèse, il semble tout aussi évident que David Fakrikian, c'est Edward Furlong, son jeune admirateur. Si Fakrikian a dépassé la cinquantaine, il est toujours possédé par le feu sacré qui brûle pour son idole. On sait que les auteurs de biographie choisissent souvent leur sujet pour montrer au monde le modèle auquel il aspire dans la vie. James Cameron est sans doute ce double fantasmé dans lequel se projette l’auteur. A travers l'odyssée de James Cameron se dessine en creux l'autoportrait de David Fakrikian dont le credo cameronien est devenu sa maxime : "croire en soi, ne jamais s'arrêter, toujours avancer, quoiqu'on en dise le monde autour de vous, et tout faire pour que se concrétise sa vision". Enjoy! 

(L'odyssée de James Cameron ; éditions Fantask)

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James Cameron et David Fakrikian circa 1992

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