Les
films consacrés aux peintres, et aux artistes en général, se contentent le plus
souvent d’énumérer quelques banalités de leur biographie, comme si c’est à
travers celle qu’on saisirait la singularité de leur art, ou éventuellement de
les montrer au travail mais pour quelques scènes seulement. Le songe de la lumière est sans doute le
seul film de l’histoire du cinéma entièrement consacré à un artiste en train de
fabriquer une œuvre, et ses tâtonnements pour y arriver. Pendant 2h30, Victor
Erice filme un ami peintre, Antonio Lopez, bien décidé à peindre le cognassier
qui pousse dans son jardin à la fin de l’été. Mais la tâche est ardue : la
lumière change, l’automne arrive et les pluies avec, il faut installer un
barnum pour protéger l’arbre, la perspective envisagée au départ n’est finalement
pas la bonne et il faut tout recommencer. Pendant ces longues semaines de
labeur, la vie continue : une amie vient voir l’avancée des travaux, avec un
camarade de jeunesse lui aussi artiste ils échangent sur leur art, la radio diffuse
des actualités à propos de la Guerre du Golfe (1991). Pour Erice, le monde
tient dans ce jardin. Et au spectateur d’imaginer que pour fabriquer ce film
hors norme, d’une légèreté et en même temps d’une profondeur inouïe, lui aussi
a du vivre aventure similaire.
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