lundi 7 septembre 2015

Knight of Cups de Terrence Malick / CRITIQUE



Ne croyez pas ceux voient en Knight of Cups une critique d'Hollywood où la Mecque du cinéma serait montré comme un "enfer" (si, si, on a lu ça). Si les angoisses existentielles de son héros ne trouvent effectivement aucune réponse dans ce monde, que tout ce faste, ce luxe, ces fêtes impossibles, ces bimbos sublimes, ces créatures étranges sont les éléments constituants d'une gigantesque illusion, Terrence Malick a de l'amour, et uniquement de l'amour, pour ces mirage de la vie.

Autoroutes, hélicoptères dans le ciel, tours modernes gigantesques, parkings sur plusieurs étages (on se croirait dans un film de Michael Mann !), villas kitschissimes, arrière-cour de studios de cinéma déserts, chambres d'hôtels.... Le cinéaste aime tout du monde contemporain (et même l'Art contemporain, voir la scène de visite du LACMA de Los Angeles) et on n'a pas vu depuis longtemps film qui décrit aussi bien le monde dans lequel nous vivons sans émettre aucun jugement de valeur. Mieux, pour Malick, même le laid - en tout cas ce qui est souvent perçu comme tel - est beau. Voire la géniale partie du film avec Teresa Palmer, où une caméra en apesanteur ("Weightless") jouit de la vision des boites de strip-tease (au son de Ashtray Wasp de Burial, qui eut imaginé entendre e le DJ un jour dans un de ses films ?), de Las Vegas où le Louxor avec sa fausse pyramide et son faux Sphynx, la reproduction de la Tour Eiffel, un sosie d'Elvis sont filmés avec autant d'exaltation que s'il filmait les originaux.

Le film s'ouvre par une fable où un homme parti à la recherche d'une perle s'est perdu en voyage et a oublié l'objet de sa quête. En se plaçant sous l'égide de cette histoire avec un début, un milieu, une fin, Malick donne l'impression que cette histoire est celle de son film ("Wake up !" entend-on se dire le personnage principal à plusieurs reprises). Mais n'est ce pas plutôt une façon de nous prendre gentiment par la main pour nous emmener ailleurs ? Knight of Cups ne raconte aucune histoire, ne montre pas de personnages, ne possède pas de début ni même de fin, tout n'est que pur présent. Même les scènes de conflit familial avec le père et le frère sont mises en scène comme si une pièce de théâtre se jouait devant nos yeux (littéralement, on voit même Brian Dennehy sur une scène s'adresser à un public), réactivant les souvenirs du passé, là, maintenant.

Terrence Malick l'homme qu'on nous présente depuis trente ans comme un poète, un philosophie, un anachorète, se livre avec une absence de pudeur total et trace un autoportrait sincère où il se décrit en obsédé sexuel ("Womanizer !" lui reproche son père) pour qui baiser les plus belles femmes du monde est la seule activité valable, combien même cette activité ne comblerait elle en rien son désarroi. Les femmes sont si interchangeables, que pour la dernière, Isabel Lucas, Malick ne prend même plus la peine de montrer son visage, se contentant de la filmer en Déesse inaccessible (ah ces plans d'elle nageant nue dans l'eau d'une piscine).

"Knight of Cups", c'est l'expression de l'ennui qui s'empare de l'homme, de son absence de but dans la vie, du dérisoire de son existence, de l'irrationnel qui le guide, mais c'est aussi le film de l'émerveillement du monde dans lequel nous vivons, son urbanisme délirant, ses couleurs flashy, une sorte de gigantesque sapin de Noël pour adultes perdus dans le labyrinthe de l'existence.




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