Une des images symboliques de l’amour est le dieu Cupidon
décochant une de ses flèches d’amour.
Elle est reprisse telle quelle dans La vengeance d’une femme mais avec une
signification tout à fait différente. La scène arrive au milieu du film. Jusque
là, on a vu un dandy libertin flâner dans des salons mondains quelque part au Portugal
pendant le 19e siècle, faisant la cour aux jeunes femmes qui se
présentent à lui. C’est filmé comme un film de Manoël de Oliveira, dans des
décors désignés comme tel tandis que les murs sont recouverts de toiles
peintes. L’homme se fait entrainer la nuit par une prostituée un peu chic dans
sa chambre de passe. La tension sexuelle
est son maximum lorsque la jeune femme se débarrasse de ses habits aristocratiques
pour enfiler une robe noire la faisant ressembler à une sorcière. Elle a un chat
entre ses mains et on pense à Ana Pieroni dans Inferno d’Argento dans la scène de l’amphithéâtre. Les corps se
frôlent, le désir monte, mais un malaise s’installe et une image du passé
perturbe l’acte. La femme veut raconter son histoire. L’homme est prêt à l’entendre.
Elle était mariée à un prince. Mais lorsque le cousin de son mari s’installe
quelque temps dans leur domaine, un amour platonique s’installe entre l’épouse
et le jeune homme. Alors, ce film jusqu’à
alors constitué de longs plans séquences fixes (à une terrasse de café, la
caméra est fixe mais la lumière change) ou mobiles (ce superbe mouvement d’appareil
dans la chambre filmant l’homme avant de montrer le point de vue de la femme)
est brutalement interrompu par un enchainement de plans. Un homme noir et torse
nu - visiblement un esclave, décoche une flèche. L’amant la reçoit dans le coup
et s’effondre. Le mari qui a commandité le meurtre demande à ce qu’on arrache
le cœur de la victime. L’esclave s’exécute et sort l’organe palpitant du
cadavre. La femme lui arrache le cœur des mains et le porte à sa bouche (envie
de le dévorer ? de l’embrasser ? de boire le sang encore chaud de son
amour perdu ?). On le lui reprend et on le jette par terre tandis qu’un
chat vient à son tour le manger. La
Vengeance d’une femme est un grand film d’amour baroque et absurde. Pour se
venger de son mari, la femme décide de se prostituer et de souiller son corps.
Mais le mari n’est même pas au courant de cette vengeance. Bouleversé par cette
histoire, l’homme quitte la chambre au petit matin et décide de ne plus penser
à elle. Quelques années plus tard, il apprend incidemment sa mort qui vient de
survenir. Il se rend à l’église où le corps est dans un cercueil et demande au
prêtre comment cette femme a fini sa vie (la fin rappelle furieusement Revenge de Tony Scott, autre grand film
d’amour, de jalousie, de vengeance sur fonds de christianisme). C’est ce qu’on
appelle un chef d’œuvre.
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