mercredi 10 septembre 2014

"La fille de Starfix" d'Hélène Merrick



« La Chaleur humaine » (Bertrand Betsch)

Starfix, c'est évidemment Christophe Gans, FAL, Nicolas Boukrief, François Cognard, Christophe Lemaire, Doug Headline...  mais Starfix, c'est aussi Hélène Merrick. Hélène Merrick fut une des membres de la fameuse revue à la plume sans doute plus discrète que ses comparses. Elle n'avait pas la faconde méridionale de Gans, la froideur réfléchie de Boukrief, la folie de Cognard, l'humour de Lemaire, la rigueur analytique-professorale-pince-sans-rire de FAL et pourtant, c'était une des plumes les plus attachantes de la revue. Hélène Merrick avait pour elle un éclectisme assez incroyable. Elle pouvait faire un feuillet énamouré sur L'amour par terre (« C’est bon ») de Jacques Rivette  tout en adorant Rambo 2 (pour lequel elle avait mis, si nos souvenirs sont bons, un "4"-  la meilleure note - dans le tableau de cotation).  Elle exprimait son enthousiasme pour John Water ou Russ Meyer, tout en adorant Dolph Lundgren et Jean-Claude Van Damme (amour qu'elle développera dans la défunte et ultra sympathique revue Ciné-News). Hélène Merrick était une des femmes de Starfix, pas la seule, il y eut Guilaine Chenu, Catherine Esway, la photographe Marianne Rosenstiehl a.k.a Felix Glass, Claire Paillocher, la directrice artistique Paola Boileau, Nancy Guion sans oublier Madame FAL, Claire Sorel, mais elle fut la plus marquante, celle qui traversa (quasiment) toute l'histoire de la revue. Hélène Merrick était "La fille de Starfix".

Hélène Merrick, pigiste multi supports, publie aujourd'hui un livre qui porte ce titre (*) et narre ses souvenirs de l'aventure Starfix. La journaliste qui porte le même nom que le personnage d’Elephant Man (on apprend d’ailleurs que ce nom est en fait un pseudonyme choisi en référence à l’homme-éléphant !) débute son texte par un long prologue narrant sa collaboration à Métal Hurlant, époque Dionnet et Manoeuvre. Car ce livre, c'est aussi une histoire de la presse cinéma des années 80. Mélange d'anecdotes cocasses et de souvenirs nostalgiques sans réelle continuité temporelle (les flashforwards sont nombreux),  Hélène Merrick fait preuve de bienveillance et de chaleur humaine dans sa description de l'époque. Elle se refuse à dire du mal de qui que ce soit (ou presque, les seuls en prenant vraiment pour leur grade étant Andrzej Zulawski et Sophie Marceau, pourtant un couple mythique dans l'histoire de la revue), préférant raconter de façon émerveillée, presque naïve -que dans cet adjectif ne soit  rien perçu d’autre qu'un compliment sincère. Hélène Merrick n'a pas oublié la surprise et la tension d'assister pour la première fois à une projection privée (comment se comporter avec l'attaché de presse ?), le bonheur de voir un article publié, l'effondrement au contraire devant un texte qui ne paraitra finalement jamais et la honte occasionné vis à vis des gens qui ont pu être impliqués dans la conception de ce texte. C'est peut être bête à dire,  mais cet attachement  à des choses aussi simples que la considération et la gentillesse, ne sont finalement pas si fréquentes, et tout son texte transpire ces qualités, comme c’était le cas de ses articles.


Hélène Merrick est aussi une grande sentimentale, n'a-t-elle pas écrit un ouvrage consacré à Elisabeth Taylor ?, et son texte regorge de ses joies (assister à une réunion entre ami) et de ses peines (lorsqu'elle ne se reconnait plus dans le journal qui était pourtant devenu sa famille). Il est émouvant, pour le lecteur fanatique de la revue, de constater que ce qu'il ressentait à l'époque en lisant chaque mois son magazine préféré, était bien le reflet de ce qui se passait à l'intérieur de la revue. Comme Hélène Merrick, nous fumes déçus du départ -partiel- en 1987 de Christophe Gans, occasion d’un changement de formule d’un goût douteux (avec l’introduction des fiches cuisines). Comme Hélène Merrick, nous ne comprimes pas très bien les changements de rédaction en chef incessants dans la période 1989-1990 provoquant un contenu qui avait du mal à trouver une ligne directrice forte. Comme Hélène Merrick nous n’aimions pas quand le magazine était en grande partie rédigé par de nouvelles plumes, de plus en plus nombreuses, diluant l’identité du magazine. Comme Hélène Merrick, nous avons ressenti parfois un certain malaise devant les textes de Nicolas Boukrief qui devenaient de plus en noirs, voire nihilistes dans les derniers mois (Hélène Merrick a publié à la fin de son texte les commentaires de ses collègues à propos du livre, les explications de Nicolas Bouk(h)rief concernant cette dernière période sont particulièrement sensibles).  


Mais c’est aussi pour ça que nous aimions Starfix. Ce n’était pas simplement une revue de cinéma, nous la lisions moins au fil du temps pour entendre parler de film que lire ce que des gens que nous aimions, sans les connaître, avaient à nous dire.  Hélène Merrick décrit avec chaleur ses anciens collègues et amis. Les lignes consacrées à Christophe Gans sont parmi les plus émouvantes qu’ils nous aient été donné à lire à son propos. Cinéphile grande gueule, puit de culture, intimidant, Christophe Gans est une personnalité difficile à percer tant sa cinéphilie donne l’impression d’être un paravent, un paravent, que dis-je ! , un bouclier, un rempart, une forteresse pour masquer une pudeur extrême. Hélène Merrick dresse effectivement le portrait d’un garçon passionné, exalté, mais toujours juste et respectueux de ses collaborateurs.  

A la fin d’Elephant Man, son homonyme John Merrick concluait « My life is full because I know I am loved ». Que la belle Hélène considère elle aussi la sienne comme remplie. 

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(*) La Fille de Starfix est disponible en édition électronique chez amazon. Hélène Merrick nous a malheureusement obligé à rompre notre engagement moral de ne plus jamais commander quoique ce soit chez ces voleurs fiscaux.

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