lundi 15 septembre 2014

DIRECTED BY SYLVESTER STALLONE written by Jean-Christophe HJ Martin




C’est un recueil de huit nouvelles. Sylvester Stallone, ou plutôt ses films, apparaissent dans chacune d’entre elles. Mais Stallone et ses films ne sont jamais leur sujet premier, excepté peut-être le dernier texte dans lequel le personnage principal décide de transformer Expendables en franchise littéraire. Parfois, son rôle est même très secondaire. Dans la nouvelle Struttin’ , le film de référence est Staying Alive, réalisé par Sly, mais ce qui passionne son héros adolescent, c’est John Travolta et sa démarche chaloupé. Dans la nouvelle There is tomorrow, le héros, après avoir vu Rocky 3, se prend non pour le héros éponyme mais pour Mister T, dont il reproduit la coupe de cheveux iroquois.  Dans Win… Win !, Rocky 2 va l’obséder, mais pas le film, seulement  la bande originale de Bill Conti, et encore uniquement deux morceaux (Redemption et Overture).
Le héros de chacune des nouvelles n’est jamais le même, et pourtant, on a l’impression d’avoir à faire à chaque fois au même individu. Un homme cultivé, globalement plus passionné par la musique que par le cinéma, globalement inconséquent, à une période de sa vie où il semble entre deux eaux.  Le héros There ain’t nothing till it’s over  se retrouve à passer quelques jours à Rome, là où il vécut des années avant en dilapidant un héritage familial, flânant sans but précis dans la ville. Celui de Win… Win ! est un journaliste pour un quotidien local abimant son talent selon ses proches, sans que cela ne l’affecte particulièrement. La dépression n’est pas loin, ou a déjà eu lieu, mais son souvenir ne s’est pas évanoui.
Ce héros est monomaniaque. Il va voir 14 fois Rocky 2 pour écouter les deux chansons qu’il aime de la BO avant de se procurer le disque. Il visionne 250 fois John Rambo dans l’apocalyptique Fuck the world où un homme vit reclus dans une école, après la Chute, avec pour seul film disponible sur sa clé USB le dernier épisode en date de la saga. D’ailleurs c’est souvent le hasard qui l’amène à voir les films de Stallone. Il accompagne des amis au cinéma. C’est le seul film disponible à l’instant où il veut voir un film. Le héros ne considère même pas ces films comme des chefs d’oeuvre. Il défend mollement Rocky 4 face à une amoureuse méprisant ce film –dont elle n’a vu que des extraits, au nom de l’impéralisme américain qu’il véhiculerait. Il s’étonne qu’une femme de gauche comme elle  méprise celui qui est l’incarnation du « Working Class Heroe ».  Dans la nouvelle inaugurale, il propose à des amis musiciens de projeter derrière eux lors d’un concert-installation des extraits de La Taverne de l’enfer , bien qu’il n’ait « rien d’exceptionnel ». Ce film est même destiné à remplacer  leur premier choix, La cicatrice intérieure de Philippe Garrel, qu’ils n’ont pu obtenir à un tarif acceptable !    
Stallone est là parce que Stallone est dans nos vies depuis toujours. Il a réussi à échafauder un mythe dont il continue à être le grand ordonnateur. Peu importe la réussite ou non de ses films (plus non que oui d’ailleurs), ce qu’on aime chez Stallone, c’est lui. On l’aura vu animal conquérant (Rocky) et animal blessé (Rambo), héros arrogant (Rocky 4) ou héros nostalgique (Expendables). Stallone est un personnage polymorphe dévoilant toute la complexité humaine du prolétaire devenu riche. Qui plus est , cette dialectique s’incarne dans un corps mutant. Il offre un parfait miroir déformant aux héros des nouvelles, lui plus cérébral que physique, plus pusillanime qu’offensif.
De ces nouvelles pleines d’humour et écrites d’une plume alerte et imagée sourd pourtant une angoisse face au monde. Life is a disease. Is Stallone the cure ? 

Directed by Sylvester Stallone
Editions Lettmotif

1 commentaire:

  1. Un admirateur prolétaire de Poe mérite notre estime...
    http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2015/02/un-corbeau-et-une-chose-sylvester.html?view=magazine

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