vendredi 12 octobre 2012

Gebo et l'ombre (Manoel de Oliveira)



L'ombre de l'Oncle Vania plane sur le film...

Un bateau genre cargo est à quai. L'éclairage est tamisé, les tons mordorés. Un homme regarde le bateau puis disparait. Les crédits du génériques s'inscrivent alors sur l'écran. C'est le "Money Shot" du film, le plan le plus spectaculaire, celui qui va donner au film sa tonalité esthétique et décrire un horizon impossible à dépasser, celui du port, dont on ne part pas. L'appel du grand large sera pour un autre jour, pour l'instant, c'est la nuit qui tombe.
Pour faire entrer le monde, il suffit à Manoel de Oliveira d'une maison, mieux, d'une pièce - la cuisine, voir de moins de choses encore, une simple table autour de laquelle toutes les scènes vont se dérouler.  Le monde est un théâtre et rarement on aura eu l'illustration de cette sentence devant ce film, à la fois pauvre formellement et pourtant d'une densité à nulle autre pareil. Tout le monde est las. Gebo compte ses pièces en évitant de penser à la chute de sa famille, du monde. Sa femme est interprétée de façon outrancière et assez effrayante par Claudia Cardinale, la beauté fânée, la laideur presque exacerbée. Le fils rebelle, disparu, qu'on pense mort ou malade, réapparait, mais dont la prose révolutionnaire semble poseuse et le dernier geste, un vol, criminel. Le film est désespéré, tragique... et pourtant... sa sérennité, sa simplicité font que Gebo et l'ombre n'apparaît jamais misanthrope. Seulement d'une grande lucidité.

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