mardi 11 septembre 2012

TWO HANDS, entretien avec Gregor Jordan



Rose Byrne et Heath Ledger

Entretien avec Gregor Jordan (2010) 

Two Hands, tourné en 1998, est le premier film de l’Australien Gregor Jordan. Cinéaste à la carrière éclectique, il a depuis réalisé Buffalo Soldiers, Ned Kelly, The Informers et No Limit. Retour sur le film qui a révélé Heath Ledger, pour la première fois disponible en DVD et en Blu-ray.

Avant de réaliser Two Hands, avez-vous fait une école de cinéma ?

Non, je n’ai pas fait d’école de cinéma. J’ai d’abord écrit des courts-métrages jusqu’à ce que je sois en mesure d’en réaliser un. Le premier fut Swinger, en 1995. J’ai eu de la chance puisque que ce court a reçu un accueil positif d’abord en en Australie (différents prix dans des festivals) puis dans des festivals internationaux. Il a reçu le prix du jury court-métrage au Festival de Cannes 1995. Cet accueil positif m’a donné la confiance nécessaire et m’a permis d’obtenir les contacts pour commencer une carrière de réalisateur, et donc de tourner mon premier film, Two Hands. Pendant ce temps, j’ai également travaillé à la télévision australienne, notamment sur des séries telles que Twisted Tales, Big Sky ou Raw FM pour lesquelles j’ai réalisé des épisodes.

Dans quelles circonstances avez-vous écrit le scénario de Two Hands ?

A l’époque, j’avais un bureau à King’s cross, à Sydney, là où se déroule la majeure partie de l’action. Je regardais par la fenêtre et j’écrivais en regardant les gens dans la rue. Après un premier jet, j’ai passé trois ans à réécrire le scénario. Lors de mon voyage à Cannes pour présenter Swinger, j’ai loué une chambre d’hôtel à Paris, à Odéon. J’étais inspiré par les grands écrivains tels que Ernest Hemingway ou Oscar Wilde qui passèrent des semaines à Paris dans leur chambre d’hôtel à taper sur leur machine à écrire. Plusieurs des meilleures scènes de Two Hands furent écrites dans la capitale française.

A-t-il été difficile de réunir les fonds ?

C’est toujours difficile de réunir les fonds pour un film et ce fut le cas pour celui là. Cela a pris plusieurs années pour avoir le budget nécessaire. Nous avons tout de même la chance en Australie d’avoir une industrie cinématographique qui reçoit des aides gouvernementales.

Comment avez-vous choisi Heath Ledger pour le rôle principal ?

J’ai toujours su que trouver un acteur pour jouer le personnage principal serait difficile. C’est un personnage qui commet beaucoup d’erreur, fait des choses absurdes, mais on doit avoir de la sympathie pour lui malgré tout. Dans mon cercle d’amis, plusieurs personnes m’ont parlé de Heath Ledger, mais je ne le connaissais pas. Je n’ai donc pas écrit le film en pensant à lui. Il a passé une audition pour le film à Los Angeles et on m’a retourné la cassette à Sydney. Dès que j’ai vu cet essai, j’ai tout de suite su qu’il serait parfait et qu’il avait l’étoffe d’une star. Je suis parti à L.A., nous nous sommes rencontrés et ça a tout de suite collé entre nous. Il avait dix huit ans à l’époque.

Le tournage fut-il difficile ?

Le tournage s’est déroulé sur huit semaines, dans des circonstances climatiques difficiles. Le film est censé se dérouler un jour d’été très chaud, c’est important pour l’histoire puisque le héros décide à un moment crucial d’aller se baigner. Nous avions donc besoin un temps chaud et ensoleillé pour que ça fonctionne. Malheureusement, non seulement nous avons dû tourner pendant l’automne, mais en plus c’était l’automne le plus pluvieux depuis quarante ans ! Nous devions donc systématiquement sur-éclairer les scènes en extérieur pour que ça donne le change. Ca m’angoissait terriblement parce je craignais que le film ait une image atroce mais au final, ça a donné une photo stylisée qui, je crois, marche bien.

Le début du film est celui d’un film fantastique. Comment vous est venue cette idée d’introduire l’action avec cette figure tutélaire du frère mort du héros qui sort de sous la terre ?

J’étais très intéressé par l’idée d’avoir un Chœur comme dans Henry V - un narrateur qui s’adresse directement aux spectateurs. J’aimais aussi les films comme Le retour des morts vivants ! J’ai décidé de combiner les deux.

Le film mêle romance, action et quelques éléments fantastiques. Le bon équilibre a-t-il été long à trouver ?

Le montage fut difficile comme l’est tout montage. On m’a justement beaucoup reproché ce personnage du frère mort, j’ai même dû monter une version en le supprimant complètement du métrage. Mais ça retirait au film cette impression du Destin en marche qui permettait de rendre crédible certaines coïncidences. On l’a donc réintroduit mais plus brièvement. C’était un travail subtil pour que tous ces éléments fonctionnent ensemble.

Quels étaient vos films de référence ?

Miller’s crossing, Les affranchis, Pulp Fiction et beaucoup d’autres films. Mais mon inspiration majeure vient de plusieurs livres d’histoire à propos des gangsters à Sydney dans les années quatre-vingts. Les gangsters australiens ont quelque chose d’unique qui n’avait jamais été montré au cinéma avant.
Outre Heath Ledger, vous avez eu la chance de travailler avec un acteur confirmé, le formidable Bryan Brown et une inconnue Rose Byrne, qui allait avoir une carrière brillante par la suite…

Bryan Brown m’a donné mon premier travail de réalisateur à la télévision, c’est lui qui m’a engagé pour tourner un épisode de la série Twisted Tales sur laquelle il était producteur. Il jouait aussi dans cet épisode, nous sommes bien entendus sur le tournage et sommes restés en contact. Quand il a été question de Two Hands, il a tout de suite accepté de tourner dedans et c’était rassurant d’avoir un ami sur le plateau. Rose Byrne était sortie de nulle part mais ça se voyait tout de suite qu’elle avait beaucoup de talent. Elle avait un grand sens de l’humour qui permettait de donner à son personnage une forte personnalité.

Un montage plus long que celui sorti en Australie (et présenté aujourd’hui sur ce dvd et Blu-ray) a été projeté au Festival de Sundance en 1999. On le trouve sur le dvd anglais sans que ce soit mentionné. Pourquoi ?

En Australie, quand on tourne des films à petit budget, on n’a pas le luxe de pouvoir organiser des projections tests pour vérifier ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Cette présentation au festival de Sundance a été la première occasion de montrer le film à un public. Il était alors évident que le film était trop long et j’ai coupé huit ou neuf minutes avant qu’il ne sorte. Il marche mieux ainsi. Mais je n’ai jamais su pourquoi le dvd anglais proposait cette version….

Par la suite, vous avez tourné un autre film avec Heath Ledger, Ned Kelly. Avait-il changé entre temps ?

Heath et moi étions restés proches. C’était formidable de travailler avec lui sur Ned Kelly. Le changement majeur était qu’il était devenu entre temps une star hollywoodienne, et il était beaucoup plus expérimenté comme acteur.

Depuis Two Hands, vous avez réalisé plusieurs autres longs-métrages. Douze ans plus tard, quel regard jetez-vous sur votre premier film ?

Je ne l’ai pas revu récemment. C’est étrange d’en parler. Beaucoup de gens en Australie me disent l’aimer et je suis très content d’entendre ça, mais j’ai tellement le sentiment qu’on me parle d’un autre temps, d’une autre vie…

Vos derniers films ont été tournés à Hollywood. Avez-vous l’intention de refaire un film en Australie ?

Je travaille actuellement sur deux projets de film en Australie. L’un est une comédie romantique de déroulant entre Sydney et Shangaï, intitulée Five Spice. J’espère tourner avant la fin de l’année.

Pour conclure, avez-vous quelques mots au sujet de Heath Ledger, disparu tragiquement depuis…

Ca m’est plus facile de parler de lui avec le temps qui passe, mais il me manque terriblement. Après Two Hands, qui était pour tous les deux notre premier film, lui et moi sommes partis en Amérique, on se suivait l’un l’autre. Heath a toujours été fier de Two Hands, et même à ses débuts alors qu’il n’était pas très connu aux Etats-Unis, il essayait toujours de montrer au gens notre film.











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