Image extraite du film BACKTRACK |
Protect me from what I want, Jenny Holzer (1983-1985) |
Foster incarne une artiste conceptuelle. Féru d'art contemporain, Hopper avait proposé à l'artiste new-yorkaise Jenny Holzer de réaliser les panneaux lumineux qu'on voit à l'écran censé avoir été conçus par le personnage. Dans les années 80, Holzer avait réalisé une série de photo sur lesquelles le mantra "Protect me from what I want", écrit avec des LED, se superposait sur différentes battisses (building, casino). Hopper va se réapproprier cet aphorisme qui apparait régulièrement dans tout le film.
Pour le DVD sorti chez Metropolitan Films, une interview de la monteuse Wende Mente, réalisée en novembre 2013.
Entretien
avec Wende Mate (monteuse)
Wende
Mate est la monteuse de Backtrack.
Sur le générique de la version remontée, elle est créditée uniquement en tant
que monteuse additionnelle. Mais sur les
crédits à faire apparaître sur les affiches ou les jaquettes, c’est son nom qui
est mentionné. Sur la Director’s cut c’est
bien elle qui est créditée comme la monteuse en chef.
Backtrack est un film curieux. Les personnages ont un
comportement souvent illogique (surtout celui de Jodie Foster), et ce qui
semble être important est avant tout ce qui est à l’image : les décors
naturels, les œuvres d’art…
Pour répondre à votre remarque,
c’est vrai que Backtrack est un film
très étrange. Les œuvres d’art et les lieux de tournage sont des personnages à
part entière. Je suis quasi certaine que Dennis les avaient volontairement
envisagés ainsi. D’ailleurs, ce
film était plus personnel pour lui que la plupart des films le sont pour les
réalisateurs. Pas seulement parce qu’il joue dedans, mais aussi parce que la
plupart des lieux où il a tourné lui appartenaient. L’appartement où vit Anne
était attenant à celui de Dennis, à Venice (lorsque Charlie Sheen regarde la
fille en sous-vêtements dans l’appartement d’en face, c’est chez Dennis Hopper !
[scène uniquement dans la version longue]) . La cabane à la fin lui
appartenait, et aussi, même si je n’en suis plus certaine, je crois qu’il
possédait, ou avait possédé, la le théâtre à Taos où va Jodie Foster.
Comment se passait le travail avec Dennis
Hopper ?
J’ai adoré
travaillé avec lui. C’était un homme complexe, mais j’ai pris beaucoup de
plaisir à monter ce film. Il était gentil, généreux et très drôle. Il arrivait
presque tous les jours dans la salle de montage portant chemise, veste et
cravate. Il ne restait pas beaucoup assis dans la salle, il préférait me donner
des notes sur ce que je devais faire et venait ensuite assister au résultat. Je
crois qu’il était assez content du film. Il était au courant que les
producteurs eux ne l’étaient pas, à cause des projections-tests auprès du
public qui n’avaient pas très bien fonctionné. Mais Dennis Hopper n’attachait
pas beaucoup d’importance à ce qui se disait lors de ces séances tests.
Tournait-il beaucoup de pellicules ? Les
scènes sous différents angles ?
Dennis
Hopper ne tournait pas plus de métrage que la moyenne. Il avait une idée
précise de ce qu’il voulait visuellement, et il ne tournait pas les scènes sous
tous les angles possibles. A cet égard, tout semblait assez simple, mais il
faudrait demander au directeur de la photo de ce qu’il en pense !
Quelles étaient les difficultés sur ce film
?
La chose
la plus difficile dans le travail sur ce film était que Dennis Hopper était
amoureux de certaines performances d’acteur ou de certains plans et qu’il refusait
de les couper. Je dis que c’était « difficile » parce qu’en tant que
monteur, une grande partie du travail est de faire avancer l’action en créant
du rythme, donc en coupant. C’était compliqué à faire parce que Dennis voyait
de la beauté partout, jusque dans la banalité du quotidien : les cabines
téléphoniques, la raffinerie de San Pedro la nuit, le désert aride du Nouveau
Mexique, et il aimait s’attarder sur ces lieux. C’est pourquoi la séquence
d’ouverture près de la raffinerie est si longue, et aussi pourquoi le
personnage d’Anne Benton fait ce tour d’hélicoptère sans raison dans la région
d’Anazi. Il aimait que le film prenne son temps et voyage dans des lieux qu’il trouvait
beau.
On sent bien le plaisir qu’il a à filmer
les lieux, mais on sent le même plaisir à filmer les acteurs…
En ce qui
concerne les personnages, Dennis était si concentré sur les nuances
d’expression de leurs visages qu’il
refusait de couper tant que ce visage avait encore une expression à offrir. Il
disait rarement « couper » tant que l’acteur exprimait encore quelque
chose dans son regard combien même il avait prononcé sa dernière réplique
depuis cinq ou dix secondes. Si je coupais après la dernière ligne de dialogue,
il me demandait de rajouter ce qui avait été tourné après cette réplique afin
de conserver toutes les expressions. Selon lui, couper ces moments allaient à
l’encontre de ce qu’était le travail de l’acteur. Dennis respectait tous les comédiens
qui étaient dans son film. Il n’était jamais lassé de les regarder jouer, en
particulier Vincent Price et Dean Stockwell. Joe Pesci ne le fatiguait jamais, pas plus que
John Turturro et Tony Sirico. Plus particulièrement, je me souviens de lui
disant que Catherine Keener, qui n’a qu’une scène, était d’une actrices les
plus naturelles et les plus talentueuses qu’il avait jamais rencontré.
Quand le film a été remonté
par Vestron, vous êtes-vous occupée du remontage ?
Non, je n’ai plus été impliquée sur le film après que les
producteurs aient décidé de le raccourcir. D’ailleurs, jusqu’à ce que vous
demandiez cette interview, je n’avais jamais vu la version remontée.
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