Au milieu de ce film tourné en 8mm, le héros malheureux accompagne un ami dans un cabaret. Contre-champ sur la chanteuse, filmée en 16mm. Plan fixe. Fond noir. La chanson est interprétée in extenso. Dans la présentation du film, le réalisateur Joseph Morder explique qu'il voulait au milieu du récit un entracte . D'où cette longue scène sans coupe, filmée dans un format de pellicule différent du reste. Dans un film américain, on appellerait ça un "money shot" : un plan spectaculaire qui a coûté beaucoup d'argent et qui est montré comme tel afin de marquer durablement le public. Spectaculaire est un terme relatif dans le cinéma de Morder tant son cinéma est modeste dans ses moyens : tournage en 8mm, pas de prise de son direct, la ville de Nice censé figurer la ville d'Amérique du Sud où se déroule l'action. Modeste dans ses moyens mais grand dans son ambition puisque L'arbre mort a été pensé comme un mélodrame "à la Douglas Sirk", même si le résultat singulier ressemble surtout à un film de Joseph Morder. Ce souci du bien être du spectateur en lui proposant un entracte au milieu d'un film ne durant que 90 minutes est une idée formidable : en allouant à cet intermède musical des moyens si ce n'est conséquent, du moins plus importants que ceux alloués aux autres scènes, Morder fait acte de l'intelligence du spectateur pour qui un film se déroule dans la tête du spectateur plus que devant les yeux. Ce moment, le spectateur peut l'utiliser comme il l'entend : se laisser bercer humblement par le morceau, repenser à à l'histoire qu'on vient de lui narrer, reprendre sa respiration en sortant du film et penser à ce qui lui chante (sic). Lorsque la scène s'arrête et le récit reprend, c'est un spectateur plus aiguisé et plus attentif qui reprend le court du récit.
Film disponible en dvd / Editeur : La Vie est belle