A bientôt j'espère

(To Chris M.)

mercredi 29 juin 2016

Le film coupé en deux (à propos de PASSION de Brian De Palma)




Brian de Palma est un métronome. Passion est découpé en deux parties stylistiquement très différentes. La première est filmée de façon plutôt conventionnelle (à dessein, pour que les rimes de la seconde soient plus efficaces en miroir de la première) et montre les pressions exercées sur la working girl Noomie Rapace par sa chef Rachel McAdams. La seconde partie est dédiée à la vengeance de cette dernière. La césure se fait exactement au milieu du film, à 50 minutes (le film en dure 100), par un gros plan sur les antidépresseurs que Noomie Rapace se met à prendre. Les cadres seront désormais obliques, des stries lumineuses barreront régulièrement l’écran, l'image sera d'un bleu aqueux digne des éclairages d'un polar de Hong Kong des années 90. Passion devient soudainement expressionniste, la mécanique s’emballe, des échafaudages diaboliques se mettent en branle et s’emboitent les uns dans les autres comme des matriochkas, rêve et réalité se confondent jusqu’à un finale opératique mi-Argento mi-Almodovar, c’est à dire 100% De Palma.

lundi 13 juin 2016

Le Casse (The Trust) / CRITIQUE



Le crépuscule des vieux


 A l'ombre des casinos

Le Casse (The Trust) n'est non seulement pas un énième nanar pour Nicolas Cage, mais c'est tout simplement un superbe film noir. Le critique américain Ryan Stewart ne s'y est pas trompé en le comparant à Hard Eight, le premier film de Paul Thomas Anderson, un autre thriller d’auteur situé à Las Vegas. Une mise en parallèle bien vue.

En attendant de savoir si les frères Brewer auront une carrière à la P.T.A., ils démontrent déjà un solide talent évident dès leur premier film (on leur doit de nombreux clips, de Justin Bieber à Foster the People, et même une collaboration avec Bret Easton Ellis sur une longue vidéo pour Dum Dum Girls).

A quoi reconnaît-on la patte d'un cinéaste ? A ces détails, à cette façon de raconter une histoire par un simple geste. Exemple : Elijah Wood joue un flic qui vient visiblement de se faire quitter par sa femme. Déprimé, il passe son temps à fréquenter des prostituées et à prendre de la drogue. Pendant la scène de casse, on le voit attendre nerveusement devant une grille, pendant qu'il fait claquer machinalement son doigt contre un poteau métallique. Son alliance qu’il porte encore fait du bruit en tapant contre le métal. Tout en réalisant une scène de tension rythmée par le cliquetis métronomique de la bague, les frères Brewer montrent que si ce personnage en est là, c'est à cause de sa solitude qu'il cherche à combler à tout prix, quitte à participer à un casse organisé par son ami. Rien n'est surligné, ni dit.  Le film est entièrement dédié à son récit. Mais par cet art du détail, les Brewer crée de vrais personnages, touchants, bizarres, pas très sympathiques mais très humains (Nicolas Cage à la fois cool et marrant fait parfois très peur lorsqu'il bascule brutalement dans la violence). 

Le film se divise en deux parties. La première suit les deux flics Waters et Stone dans leur vie quotidienne de flics de base à Las Vegas. Ils arrondissent leurs fins de mois en revendant des preuves collectées lors des enquêtes. Le rythme est alerte, à la limite de la comédie. Il faut voir ces deux pieds nickelés prendre leurs enquêtes par-dessus la jambe, laisser les suspects s'échapper en éclatant de rire devant leur propre inertie... Le film a beau se passer à Las Vegas, c'est un Las Vegas sordide que l'on voit : au loin, les néons des casinos, mais la plupart des scènes se déroulent dans des quartiers sinistres, près d'échangeurs d'autoroute, dans des arrière-cours de restaurants cachant des petites mains clandestines à la solde de minables dealers. Il est étonnant d’apprendre que les Frères Brewer avaient, à l’origine, situé l'intrigue à Boston - car le scénario a été inspiré par des affaires de corruptions s’étant déroulées là entre les années 60 et le milieu des années 90. On a vraiment l'impression que Le Casse a été écrit pour Las Vegas tant c'est un élément fondamental de l'ambiance générale.

La deuxième partie est entièrement consacrée au casse du titre. On est en terrain plus connu, l’histoire devient plus mécanique,  mais la mise en scène reste  très efficace. Filmé par Sean Porter, le chef op' de Green Room,  Le Casse plaira aux amateurs de romans noirs et de polars des années 70.