A bientôt j'espère

(To Chris M.)

vendredi 25 septembre 2015

LAZARUS EFFECT de David Gelb (Maki California)

Repas détente autour de sushis



Lazarus Effect  est réalisé par un jeune cinéaste, David Gelb, à la filmographie originale puisqu’on lui doit Jiro dreams of sushi, un documentaire consacré à un maître sushi ainsi que plusieurs reportages culinaires, dont une mini-série intitulée Chef’s table. Un Masterchef de l'horreur ?





lundi 7 septembre 2015

Knight of Cups de Terrence Malick / CRITIQUE



Ne croyez pas ceux voient en Knight of Cups une critique d'Hollywood où la Mecque du cinéma serait montré comme un "enfer" (si, si, on a lu ça). Si les angoisses existentielles de son héros ne trouvent effectivement aucune réponse dans ce monde, que tout ce faste, ce luxe, ces fêtes impossibles, ces bimbos sublimes, ces créatures étranges sont les éléments constituants d'une gigantesque illusion, Terrence Malick a de l'amour, et uniquement de l'amour, pour ces mirage de la vie.

Autoroutes, hélicoptères dans le ciel, tours modernes gigantesques, parkings sur plusieurs étages (on se croirait dans un film de Michael Mann !), villas kitschissimes, arrière-cour de studios de cinéma déserts, chambres d'hôtels.... Le cinéaste aime tout du monde contemporain (et même l'Art contemporain, voir la scène de visite du LACMA de Los Angeles) et on n'a pas vu depuis longtemps film qui décrit aussi bien le monde dans lequel nous vivons sans émettre aucun jugement de valeur. Mieux, pour Malick, même le laid - en tout cas ce qui est souvent perçu comme tel - est beau. Voire la géniale partie du film avec Teresa Palmer, où une caméra en apesanteur ("Weightless") jouit de la vision des boites de strip-tease (au son de Ashtray Wasp de Burial, qui eut imaginé entendre e le DJ un jour dans un de ses films ?), de Las Vegas où le Louxor avec sa fausse pyramide et son faux Sphynx, la reproduction de la Tour Eiffel, un sosie d'Elvis sont filmés avec autant d'exaltation que s'il filmait les originaux.

Le film s'ouvre par une fable où un homme parti à la recherche d'une perle s'est perdu en voyage et a oublié l'objet de sa quête. En se plaçant sous l'égide de cette histoire avec un début, un milieu, une fin, Malick donne l'impression que cette histoire est celle de son film ("Wake up !" entend-on se dire le personnage principal à plusieurs reprises). Mais n'est ce pas plutôt une façon de nous prendre gentiment par la main pour nous emmener ailleurs ? Knight of Cups ne raconte aucune histoire, ne montre pas de personnages, ne possède pas de début ni même de fin, tout n'est que pur présent. Même les scènes de conflit familial avec le père et le frère sont mises en scène comme si une pièce de théâtre se jouait devant nos yeux (littéralement, on voit même Brian Dennehy sur une scène s'adresser à un public), réactivant les souvenirs du passé, là, maintenant.

Terrence Malick l'homme qu'on nous présente depuis trente ans comme un poète, un philosophie, un anachorète, se livre avec une absence de pudeur total et trace un autoportrait sincère où il se décrit en obsédé sexuel ("Womanizer !" lui reproche son père) pour qui baiser les plus belles femmes du monde est la seule activité valable, combien même cette activité ne comblerait elle en rien son désarroi. Les femmes sont si interchangeables, que pour la dernière, Isabel Lucas, Malick ne prend même plus la peine de montrer son visage, se contentant de la filmer en Déesse inaccessible (ah ces plans d'elle nageant nue dans l'eau d'une piscine).

"Knight of Cups", c'est l'expression de l'ennui qui s'empare de l'homme, de son absence de but dans la vie, du dérisoire de son existence, de l'irrationnel qui le guide, mais c'est aussi le film de l'émerveillement du monde dans lequel nous vivons, son urbanisme délirant, ses couleurs flashy, une sorte de gigantesque sapin de Noël pour adultes perdus dans le labyrinthe de l'existence.




vendredi 4 septembre 2015

David Lynch / Terrence Malick : zéro degré de séparation




David Lynch et Terrence Malick se sont fréquentés à l'AFI (American Film Institute), à Los Angeles, au début des années 70.

Les connexions entre les deux hommes sont multiples : ils partagent tous les deux le même Production designer depuis leur premier film (Eraserhead pour l'un, Badlands pour l'autre) jusqu'à ce jour ou presque (Mulholland drive est la dernière collaboration en date avec Lynch, Weightless prochainement) ; un des fils de David Lynch, Austin, a réalisé le making of du Nouveau Monde de Malick.

Dans Knight of Cups, Malick fait un clin d'oeil à Lynch dans sa bande son (doit-on dire dans ce cas un clin d'oreille ?), un hommage par la bande, puisqu'on entend sur une scène de nuit dans les rues de Los Angeles illuminés par les panneaux publicitaires un morceau de BIOSPHERE, "Hyperborea" dans lequel est samplé un célèbre dialogue de la série Twin Peaks. Il s'agit  de l'épisode 8 de la saison 2, un épisode réalisé par Lynch, dans lequel le Major Briggs raconte à Bobby une vision qui le met en larmes.


L'extrait de l'épisode


Le morceau de Biosphere

jeudi 3 septembre 2015

Frontières (à propos de IT FOLLOWS)






Frontière entre la vie et les morts qui marchent sur les traces des vivants.

Frontière entre le sud de la ville de Detroit, en ruine, ravagé par la crise économique, et le nord plus aisé, constitué de pavillons impersonnels formant des quartiers identiques les uns aux autres.

Frontière entre la fin de l’adolescence et le monde des adultes. 

Frontière entre les Blancs qui peuplent l’écran et les Noirs qu’on ne voit pas alors que la population de Detroit est, au sud, essentiellement afro-américaine.

Frontière entre la terre et l’eau, que ce soit celle de la piscine, de la pluie ou d'un lac. 

On n’est pas étonné d’apprendre qu’avant de tourner It Follows, David Robert Mitchell avait travaillé sur un projet – qui sera peut-être son prochain film – construit entièrement autour des pérégrinations d’une jeune femme sur une plage. Sans doute nous dira-t-on que la frontière est de toute façon le thème américain par excellence, celui que tous les films évoquent, même inconsciemment, puisqu'il est au cœur même de la création des Etats-Unis. Le pays s’est développé d’est en ouest, sur des massacres, mais aussi sur un rêve – sur le fiévreux désir d’aller voir ce qui se passait au-delà. Lorsque l’Océan Pacifique a été atteint, le rêve est devenu cauchemar, mais le besoin de conquête est resté, cependant que le refoulé des exactions commises pour assouvir ce rêve est revenu comme un boomerang.

Le premier film de David Robert Mitchell s’intitulait The Myth of the American Sleepover. Un titre qui associe un passé -le mythe, une géographie -l’Amérique, une humeur - l'ensommeillement. Pour son second, Mitchell s’est débarrassé de cet ancrage peut-être trop explicite pour une phrase d’une sublime simplicité. It Follows. Temps présent parce que l'histoire de l'Amérique, poumon de tous les films américains, s’écrit sans cesse, de jour comme de nuit. 

It Follows est moins constitué d’un sujet que de motifs. Le récit débute par un état de stase figuré par un magnifique mouvement d’appareil qui va chercher, comme une caméra cachée, Jay se baignant dans la piscine familiale enfouie derrière les barrières de la maison. Ensuite, les personnages se remettent enfin littéralement en marche, d’abord pour fuir les créatures qui les suivent, ensuite pour explorer des domaines inconnus à la recherche d’indices leur permettant la reconquête du territoire. Cette fable peut être interprétée de diverses manières. Certains y ont vu une scandaleuse apologie de l’abstinence sexuelle pour éviter les MST - Malédictions sexuellement transmissibles. C’est une vision très primaire – les grands films racontent toujours autre chose que ce qu’ils ont l’air de narrer –, mais, après tout, on ne peut pas totalement la balayer d’un revers de main, le puritanisme étant au cœur du sujet. D’autres, une fable sur le génocide amérindien (1), parce que la première victime sort d’une maison située au numéro évocateur 1492 et que l’affrontement final à la piscine se déroule devant un mur où se dresse un drapeau américain et un panneau d’affichage opposant locaux et visiteurs, tandis que le fond du bassin bientôt ensanglanté est parsemé de mosaïques en forme de croix. C’est une des grandes forces du film que de créer un espace dans lequel le spectateur puisse venir habiter avec son propre bagage. Une frontière est par essence invisible et n’existe finalement que dans le regard de celui qui la crée. 

Si avec son rythme cotonneux et ses ambiances éthérées It Follows a l’évanescence du rêve,  il est d’un trait assuré lorsqu’il s’agit de figurer le groupe d’amis. Mitchell ne peut pas ne pas avoir pensé à Scooby Doo lorsqu’il a inventé ses personnages, parmi lesquels la sœur de Jay ressemblant comme deux gouttes d’eau à Véra avec ses lunettes à grosse monture. Dans cette hypothèse, Jay ferait une parfaite Daphné ;  Greg, un parfait Fred, et Paul, un parfait Sammy (2). Les voir prendre la voiture, mener l’enquête, rester groupés, échafauder des stratagèmes loufoques face aux manifestations surnaturelles… Mitchell insuffle un esprit d’aventure ludique et joyeux, source inépuisable d’alacrité. 

Lorsque le refoulé fait son retour et prend la forme d’une malédiction dont il est impossible de se défaire, le héros américain continue pourtant d’avancer, encore et encore.


 (1)   www.accreds.fr , excellent texte de Hendy Bicaise sur le retour du refoulé vis-à-vis du massacre des peuples indiens.
 (2)   Quant à savoir si Kelly ferait une bonne Scooby, on vous laisse juge!